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Samedi 2 décembre 2017
Matricule 155, Simon Radowitzky. Dessin et Scénario de Agustín Comotto. Los Nadie de Juan Sebastián Mesa
Article mis en ligne le 6 décembre 2017
dernière modification le 10 décembre 2017

par CP

Matricule 155, Simon Radowitzky Dessin et Scénario de Agustín Comotto (Vertige graphic)

En compagnie de Agustin Comotto et Elsy pour la traduction

Et un entretien avec

Juan Sebastián Mesa, réalisateur de Los Nadie Le film de Juan Sebastián Mesa est sur les écrans le 6 décembre 2017

Matricule 155, Simon Radowitzky Dessin et Scénario de Agustín Comotto (Vertige graphic)

En compagnie de Agustin Comotto et Elsy pour la traduction

Simon Radowitzky : héros ou assassin ? En Argentine, il est un mythe, bien malgré lui d’ailleurs, il s’en défendra jusqu’à changer de nom vers la fin de sa vie.

Simon Radowitzky naît en 1891 dans une famille juive pauvre, près de Kiev, en Ukraine. Très jeune, il assiste aux pogroms perpétrés par les cosaques contre son village, et un jour, c’est l’hécatombe. Les cosaques exécutent au sabre, même des gosses, et brûlent les maisons, alors la famille de Simon part en ville où il étudie quelque temps dans une école religieuse, la seule autorisée pour la population juive. Simon observe, lit, écrit en hébreu, ukrainien, russe, mais très vite il est retiré de l’école pour travailler comme apprenti serrurier, puis entre à l’usine. Il n’a pas 12 ans.

Il devient militant et, à 14 ans, participe à une première grève pendant laquelle il est blessé par un coup de sabre. La force brutale à nouveau et l’image des cosaques au service du pouvoir tsariste revient. Il s’en sort et, en 1905, il est nommé secrétaire du soviet de son usine, mais pourchassé par la police, il doit fuir et émigre en Argentine. L’Argentine, où il connaît, comme dans son pays, la misère, l’exploitation, la répression, mais rencontre aussi des compagnons de lutte anarchistes.

1er mai 1909, Buenos Aires. Simon Radowitzky assiste au massacre des ouvriers par la police sous les ordres d’un militaire, Ramon Falcon. En novembre de la même année, il jette une bombe et tue Falcon, responsable des morts du 1er mai, comme auparavant de l’extermination des peuples originaires de Patagonie. Après son attentat contre le boucher Falcon, il est d’abord condamné à mort, mais étant mineur, sa condamnation est commuée en détention à perpétuité.

Simon Radowitzki passera 21 ans au bagne d’Ushuaia, la Sibérie argentine. On peut se demander comment il a eu la force de résister aux coups, à l’enfermement au «  frigo  », à survivre enfin à toutes ces années de torture lente, toujours en soutenant ses codétenus. Grâce aux pressions internationales, il est finalement gracié, mais immédiatement expulsé vers l’Uruguay. Là, il est à nouveau arrêté pour son engagement politique contre la dictature, mais s’évade et rejoint l’Espagne. C’est la révolution sociale de 1936 où on le retrouve avec la CNT. Puis, c’est la Retirada, les camps en France et l’exil au Mexique…

Pour conter l’itinéraire extraordinaire d’un enfant, d’un adolescent profondément épris de justice, devenu un homme engagé, anarchiste et toujours à l’écoute des autres, Agustin Comotto a choisi le dessin, les couleurs — noir et rouge —, et d’utiliser le procédé de narration du scénario pour revivre les étapes et les expériences de Simon Radowitzky.

Pour suivre en effet un tel parcours de vie, il fallait scénariser, remonter le temps, mettre en écho les souvenirs, croiser les notes, les missives, les témoignages, revivre son trajet international, les histoires et les rencontres de Simon avec un fil rouge qui court tout au long du récit, ce fil rouge, c’est la voix off s’adressant au personnage de Ludmyla.

Lire Matricule 155. Simon Radowitzky, regarder les dessins de Agustin Comotto, c’est animer les images et imaginer les voix, les ambiances, les musiques et les langues différentes qui illustrent l’ouvrage. Une recherche impressionnante sur la vie d’un homme simple qui, enfermé depuis plus de vingt ans au bagne, répondait à un journaliste qui lui posait cette question, « Radowitzky, êtes-vous résigné ?
— Aucunement. J’ai la certitude de ce que tout cela n’est que transitoire.
 »

Un scénario magnifique sur l’histoire d’un homme, Simon Radowitzky, anarchiste simplement…

Juan Sebastián Mesa, réalisateur de Los Nadie Le film de Juan Sebastián Mesa est sur les écrans le 6 décembre 2017

Ce premier long métrage de Juan Sebastián Mesa, Los Nadie, est un portrait de la jeunesse de Medellín. Cinq ami.es décident de rompre avec la société dont la finalité est le fric, un but vanté comme une réussite sociale. Accepter de se conformer ? Impossible ! Alors qu’ils et elles rêvent de fuir ce quotidien banal et sans espoir, partir ! Aller voir ailleurs, vivre des expériences différentes, voyager en Amérique du Sud… Un départ comme un voyage initiatique ? Peut-être. Ce qui les anime en tout cas est une soif de liberté, une volonté de dépasser les frontières et s’évader d’une ville ressentie comme un cul-de-sac.

Los Nadie se situe quelques jours avant leur départ. Et le film suit la déambulation de ces jeunes à travers Medellin, ville quelque peu hostile, où la tension fait partie du décor et où la violence semble à chaque instant imminente. Ces jeunes ont en commun les arts de la rue, les graffitis, les tatouages et la musique… La musique est l’ultime refuge, la véritable expression de leur révolte, de leur culture punk, de leur vision critique :

« Je déteste ce putain d’argent et être esclave pour pouvoir en avoir [chante, ou plutôt hurle le groupe punk].
Je déteste devoir m’humilier, poser des barrières à mes envies, apprendre à nier mes rêves, se prostituer dans les rues, mendier dans le centre-ville, tous les jours devoir se lever, avoir la peur au ventre et le ventre vide.
Une crise économique créée par la concentration.
Un éternel problème de fric et de mauvaise distribution. Un système cruel et injuste soutenu par l’ambition d’un petit groupe de capitalistes et leur manipulation.
On est domestiqués, c’est pire qu’un dieu, une religion, être soumis à son jeu injuste.
On vit pour le fric, en vue d’en avoir toujours plus.
On est domestiqués.
On vit pour le fric, en vue d’en avoir toujours plus.
 »

Los Nadie a été tourné en noir et blanc, et cela donne au film une dimension universelle et l’impression d’une intemporalité… Revient alors en mémoire notamment De prisa, de prisa (Vivre vite) de Carlos Saura, mais aussi à Easy Rider de Dennis Hopper. Le refus de se conformer.

Los Nadie, tourné en dix jours, à l’arrache, avec de modestes moyens, fait également ressortir une authenticité documentaire et la complicité de création entre le réalisateur et les comédien.nes.

Lors de la rencontre avec Juan Sebastián Mesa, la première question a été comment traduire en français Los Nadie ? Les anonymes ? Les invisibles ?



Le fond de l’air est bleu, film documentaire réalisé par les collectifs Activideo et Medialien.
Dans le Fond de l’air est bleu, tout le monde s’exprime, qu’il s’agisse de la colère des policiers qui accusent leur hiérarchie, du constat des victimes face à la violence quotidienne dans les quartiers populaires, mais aussi de la parole des militant.es qui constatent la banalité des brutalités policières destinées à faire taire toute contestation sociale. Le malaise ressenti s’amplifie face un ordre étatique de plus en plus meurtrier appliqué par une police non formée.