Chroniques rebelles
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Samedi 20 juillet 2019
Vivre ma vie d’Emma Goldman. Une anarchiste au temps des révolutions d’Emma Goldman. 1973 de Jean-Pierre Levaray
éditions l’Échappée
Article mis en ligne le 22 juillet 2019
dernière modification le 10 juin 2019

par CP

1973
Jean-Pierre Levaray (ACL)

Vivre ma vie
Une anarchiste au temps des révolutions

D’Emma Goldman
Traduction et présentation par Jacqueline Reuss et Laure Batier
Première version intégrale en français du texte d’Emma Goldman (l’Échappée)

Vivre ma vie
Une anarchiste au temps des révolutions

D’Emma Goldman
Première version intégrale en français (l’Échappée)

Traduction et présentation par Jacqueline Reuss et Laure Batier.
Emma Goldman quitte la Russie en 1885 — elle a 16 ans —, et débarque aux États-Unis dans la période des grandes vagues d’immigration, entre 1880 et 1910. En effet, durant ces décennies, trente millions d’immigré.es arrivent sur le continent états-unien en provenance d’Europe centrale, du sud de l’Europe, de Scandinavie, de Russie, d’Asie et de l’empire ottoman. Ce sont des personnes dont la plupart fuient la misère et sont sans qualification, issues pour beaucoup de la paysannerie, de même que des réfugié.es politiques… Tous et toutes étant attiré.es par cette nouvelle « terre promise », semblant offrir des opportunités de construire une vie meilleure. Or, malgré les paroles accueillantes inscrites sur le socle de la Statue de la liberté —
Donne-moi tes pauvres, tes exténués
Qui en rangs pressés aspirent à vivre libres,
Le rebus de tes rivages surpeuplés,
Envois moi les déshérités,
Que la tempête me les rapporte
De ma lumière, j’éclaire la Porte d’Or !”
 —,

malgré donc ces belles paroles, il faut souligner qu’à l’origine, la construction des États-Unis s’est établie par la violence, d’une part avec la politique génocidaire élaborée contre les populations indiennes et, d’autre part, avec l’institutionnalisation du racisme et la pratique de l’esclavage.

La migration, qui débute à la fin du XIXe siècle, est sans précédent et opère de fait une recomposition de la population états-unienne, dans un pays où l’industrialisation se développe à marche forcée. Ce brassage suscite également un militantisme social et politique. Cependant, les Etats-Unis, qui se prétendent la première démocratie au monde et le pays de la liberté, sont aussi le pays où la répression des revendications sociales est exemplaire par sa brutalité et l’organisation du patronat.

Emma Goldman fait partie de ces masses laborieuses, récemment immigrées, dont les conditions de vie et de travail sont souvent insupportables. C’est dans ce contexte de bouleversement social et politique — grèves, interventions des Pinkertons, agence privée de sécurité au service des capitalistes, meurtres, massacres de travailleurs et de travailleuses, grandes manifestations qui se poursuivront jusque dans les années 1920 —, c’est dans ce contexte que la jeune Emma Goldman se radicalise, notamment après la grève générale pour la journée de huit heures et l’affaire de Haymarket, à Chicago, en 1886. Elle est profondément choquée par la condamnation sans preuves des martyrs de Haymarket en 1887 — sur les huit militants libertaires jugés, quatre sont pendus, trois écopent de lourdes peines de prison et l’un d’eux se suicide. Il faut également citer, par exemple, la grève Pullman en 1891, parmi beaucoup d’autres, et en 1893, la marche des chômeurs sur Washington (dite Coxey’s Army).

Dans Vivre ma vie. Une anarchiste au temps des révolutions, Emma Goldman rapporte ce texte de son compagnon, Alexandre Berkman, c’est une analyse qui n’a rien perdu de sa justesse :
« En Amérique, le mode de soumission politique est subtil. Bien que Mckinley fût le principal représentant de notre esclavage moderne, on commettrait une erreur de le considérer comme un ennemi direct et immédiat du peuple. Dans un régime absolutiste, l’autocrate est un être visible, tangible. Le véritable despotisme des institutions républicaines est bien plus profond et insidieux dans la mesure où il repose sur l’illusion populaire de l’autogouvernement et de l’indépendance. C’est cela, la source de la tyrannie démocratique et ce qui fait qu’on ne peut l’atteindre d’une balle. Dans le capitalisme moderne, le véritable ennemi du peuple n’est pas l’oppression politique, mais l’exploitation économique. La politique est simplement sa servante. D’où la nécessité de porter la lutte sur le terrain économique plutôt que politique. »

L’attirance d’Emma Goldman pour l’anarchisme se mue rapidement en engagement actif pour la révolution et « cette grande oratrice, reconnue très tôt pour son charisme, effectuera au plus fort de son itinéraire des centaines de conférences chaque année, qu’elle paiera de fréquents séjours en prison. Son récit retrace les luttes pour la défense des prisonniers politiques ou de droit commun, les vicissitudes de la condition immigrée, les mouvements anarchiste, ouvrier et radical, les campagnes pour la liberté d’expression, [et contre] les guerres »… Autant de combats qui lui vaudront finalement deux ans de prison et son expulsion vers la Russie en 1919.

Elle est tout d’abord bien accueillie dans son pays d’origine, mais durant les années qu’elle passe en Russie, le constat sur place la désespère quant à l’indifférence des bolcheviks au problème de la famine, dont souffre la population, aggravée par la mauvaise gestion et la corruption… Il y a aussi la répression générale exercée par le régime, les arrestations massives d’anarchistes et de toute personne émettant des critiques à l’égard des bolcheviks. Emma Goldman est l’une des premières personnes à dénoncer le bolchevisme et le capitalisme d’État, la « dictature du prolétariat » et les syndicats à la botte des bolcheviks… En butte aux critiques, aux désaveux et même aux accusations de contre révolutionnaire par ses proches, ses ami.es, elle continuera à écrire et dire le fracassement des espoirs soulevés en 1917 : « la dictature bolchevique a étouffé la révolution russe ».
En lisant Vivre ma vie. Une anarchiste au temps des révolutions d’Emma Goldman, dans une traduction remarquable de Jackie Reuss et Laure Batier — pour la première fois en version intégrale —, on découvre non seulement une militante aux analyses acerbes, dont l’anticipation sociale et politique est étonnante, mais aussi une femme courageuse, d’une grande humanité, avec ses doutes, ses convictions, et le soutien jamais démenti qu’elle montrera aux opprimé.es et aux sans voix.
En compagnie de Laure Batier et Jackie Reuss

1973
Jean-Pierre Levaray (ACL)

1973. Début d’un bail de quarante-deux ans en usine… C’est pas rien et ça compte ! Surtout pour quelqu’un qui n’avait pas vraiment prévu d’y rester si longtemps en usine.
Et même si l’usine ne manque pas à Jean-Pierre Levaray depuis qu’il n’y travaille plus, le voilà qui se remémore ses débuts dans la boîte où il pensait ne rester qu’un moment. Cela a duré plus de quatre décennies, ouais, un bail !
Alors il a repris la plume pour « se pencher sur cette période qui a entraîné le reste de [sa] vie. » : « Qui m’a fait être ce que je suis aujourd’hui » écrit-il.
« C’est un exercice étrange que de faire revivre ses souvenirs. Moi qui essaie de ne pas me tourner vers le passé, parce que c’est fini et que ça me flanque le bourdon, voilà que je me prête à cet exercice et que les images reviennent. Qu’est-ce qui me prend ? Est-ce que c’est parce que j’ai quitté l’usine et que j’ai envie de réfléchir sur mon entrée dans la vie active et ce qui l’a précédée ? Plus de quarante ans se sont écoulées, il m’est arrivé des tas d’autres choses.
Alors pourquoi ? Est-ce parce que je vieillis ?
 »
Et les images reviennent, celles des profs, de la trentaine d’élèves, les copains, les cours, le labo…
1973. Juste après la révolution ratée de mai 68, il y a les mouvements étudiants… Alors 1973, c’est les premières manifs… Les discussions, la prise de conscience… Une courte chronique de lutte lycéenne.
Et c’est aussi le dernier été de liberté… Septembre 1973, c’est l’entrée à l’usine.
Putain d’usine ! « Pas de quoi rigoler. [et d’ajouter] Heureusement, la révolution n’est pas loin. Les Lip nous montrent la voie. Bientôt on arrêtera tout, on réfléchira et ce ne sera pas triste. »

En compagnie de Jean-Pierre Levaray