Chroniques rebelles
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Samedi 14 septembre 2019
CINÉMA : Un flic sur le toit de Bo Widerberg. Nous le peuple de Claudine Bories et Patrice Chagnard. Rentrée cinématographique de Tamasa distribution Soutien aux libertaires d’Athènes : ITW de Yanis Youlountas. ORDO SEXUALIS. RÉFLEXIONS SUR L’ORDRE (ET LE DÉSORDRE) SEXUEL d’Alain Brossat et Alain Naze
Article mis en ligne le 14 septembre 2019

par CP

CINÉMA
Un flic sur le toit de Bo Widerberg (18 septembre 2019)

Nous le peuple de Claudine Bories et Patrice Chagnard (18 septembre 2019)

Rentrée cinématographique de Tamasa distribution
Entretien avec Philippe Chevassu

Soutien aux libertaires d’Athènes :
Entretien avec Yanis Youlountas

Ordo Sexualis
Réflexions sur l’ordre (et le désordre) sexuel

Alain Brossat et Alain Naze (Eterotopia France/Rhizome)

Le « mariage pour tous », les débats autour de la majorité sexuelle, la campagne contre le harcèlement sexuel, les scandales de pédophilie dans l’Eglise catholique – autant de thèmes actuels de discussion qui, aussi divers soient-ils, se trouvent placés, d’une façon toujours plus impérieuse et exclusive, dans le champ de l’instance juridique, appelée à trancher. Et ce, que ce soit sous la forme de l’établissement de nouveaux droits ou bien sous celle de la codification de nouveaux délits et de leur sanction.

L’extension proclamée de la sphère des droits devient ici indissociable d’une accentuation de la répression frappant les inconduites sexuelles. L’accent est désormais placé avant tout sur les protections et les garanties immunitaires que les sujets individuels se voient accorder, sous ce nouveau régime de la politique et de la morale sexuelles. Ce nouveau pli contraste vivement avec d’autres topographies dans lesquelles la sexualité se trouvait étroitement associée à l’émancipation individuelle et collective, domaine d’exposition et d’expansion, associée aussi à la quête du bonheur, à l’expérimentation, inscrite dans l’horizon des plaisirs.

A l’évidence, notre époque est celle d’une accélération en matière de changements des normes régissant la vie sexuelle et les relations entre les sexes, la codification des questions de genres. Cette évolution rapide se place elle-même spontanément sous le signe du progrès. Les choses sont-elles cependant aussi simples ? Ce sont précisément les évidences nouvelles dont sont tissés ces processus qu’examine dans une perspective critique et ouverte cet essai.

Jusqu’à quel point est-il possible de placer de façon prioritaire dans les champs du droit et de la loi des enjeux concernant la vie sexuelle, les rapports entre les sexes, les questions de genre ? C’est l’enjeu central de la discussion ouverte par cet essai.

En première partie des chroniques rebelles, cinéma. À signaler la sortie le 18 septembre en copie restaurée d’Un flic sur le toit de Bo Widerberg — réalisateur entre autres films de Jo Hill.

Son film, Un flic sur le toit, est non seulement un polar puissant, mais c’est aussi une critique acerbe de la police et de ses pratiques.

Le 18 septembre également, sortie sur les écrans d’un documentaire, Nous le peuple de Claudine Bories et Patrice Chagnard, où il est question de prise de parole par ceux et celles qui ne l’ont pas, d’écouter l’autre… et de l’indifférence suffisante et quasi obscène des ministres et autres autorités. En marche ? non, c’est la République en recul comme dit l’un des intervenants !

Cette fin d’été est riche en films à découvrir,

Reza de Alizera Motamedi — conte persan des errances d’un couple dans l’Iran d’aujourd’hui —,

le Déserteur de Maxime Giroux — une anticipation dystopique dans les déserts états-uniens —,

Le Mariage de Verida de Michela Occhipinti — récit de l’émancipation d’une jeune Mauritanienne et réflexion sur la relation très complexe des femmes à leur corps —,

Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Éléa Gobbé-Mévellec — beau film d’animation adapté du roman de Yasmina Khadra —, enfin Vif-argent de Stéphane Batut — film doux et déconcertant sur l’amour et la mort.

La rentrée s’annonce féconde en surprises, tant sur les écrans que en DVD-Blue Ray, c’est ce que discutons avec Philippe Chevassu de Tamasa distribution. C’est une conversation à propos de la rentrée cinématographique de Tamasa distribution avec de très belles surprises, à commencer par une rétrospective d’un des plus grands cinéastes allemands avec Fritz Lang, Georg Wilhelm Pabst…

Nous diffusons ensuite la première partie d’une interview de Yanis Youlountas, enregistrée par Anne et Thierry à Athènes.

Depuis le 26 août dernier, le nouveau premier ministre grec Mitsonakis tente de mettre à exécution sa promesse de campagne de « nettoyer » le quartier libertaire d’Exarcheia à Athènes. L’opération militaro-policière a été lancée dès l’aube. Les forces répressives ont attaqué les squats de la rue Solomou à l’ouest de la place Exarcheia. Ils ont extrait les familles de migrants qui y vivaient paisiblement et les ont contraints à monter dans des bus pour les envoyer dans des camps insalubres. Les squats, dont le célèbre Spirou Trikoupi 17, ont été murés sous la protection de la police qui avait bouclés entièrement la rue.

La réaction ne s’est pas fait attendre, les militants et habitants du quartier se sont rassemblés et ont organisé une autodéfense populaire pour protéger les autres lieux solidaires autogérés tandis que les policiers restent très présents et menaçants à l’entrée du quartier.
C’est dans ce contexte très tendu que notre camarade libertaire et anti fasciste, le réalisateur franco-grec Yanis Youlountas, membre de l’assemblée des squats K-Vox et Notara 26, nous a reçu le 5 septembre, au sein du K Vox, base du groupe anarchiste Rouvikonas, afin de nous exposer la situation dans le quartier.

Soutien aux libertaires grecs de No Pasaran : rassemblement aujourd’hui et soirée à Publico le 4 octobre.

En seconde partie des chroniques, deux invités, Alain Brossat et Alain Naze pour un nouveau livre :
Ordo Sexualis
Réflexions sur l’ordre (et le désordre) sexuel

Alain Brossat et Alain Naze (Eterotopia France/Rhizome)

ORDO SEXUALIS. RÉFLEXIONS SUR L’ORDRE (ET LE DÉSORDRE) SEXUEL
Alain Brossat et Alain Naze (éditions Eterotopia)

Mariage pour tous et toutes, débats autour de la majorité sexuelle, scandales de la pédophilie au sein de l’église catholique, Metoo contre le harcèlement… Des thèmes très actuels qui annoncent de nouvelles normes régissant la vie sexuelle, ou la codification des questions de genre étant présentées comme autant d’évolutions positives des mentalités… Mais qu’en est-il en réalité ?

Dans Ordo sexualis. Réflexions sur l’ordre (et le désordre) sexuel, les deux auteurs examinent avec un regard critique ces courants et ces phénomènes tout en s’efforçant d’« introduire un peu de jeu à l’égard de certaines représentations dominantes, dans notre présent, relativement aux questions des rapports entre les sexes, du type de relations privilégié dans le cadre de certaines formes de sexualités ». Histoire, il faut toutefois le souligner, d’« introduire de la discontinuité dans les discours trop bien huilés des tenants de conceptions historiques selon lesquelles l’humanité serait engagée dans un processus inéluctable et continu de progrès en matière de mœurs. »

Ainsi, « nous avons tout intérêt [écrivent-ils] à envisager aussi sous l’angle des fonctionnalités sociales et des ajustements culturels requis par, disons, les intérêts du marché et ceux du gouvernement des vivants, [car] ces combats et ces revendications sont indissociables d’un motif moins exposé mais non moins prégnants que ceux qui s’exposent dans la dimension de la civilisation morale – celui de leur employabilité, de leur utilité ». Établir de nouvelles normes concernant la sexualité… Mais « ce qui rend difficile l’enfermement de la sexualité dans des normes, c’est sa fluidité, son instabilité, sa propension au débordement, ses affinités avec l’excès. Il y a toujours, dans la sexualité, une dimension du jeu, une tentation de se désassigner et de chercher des lignes de fuite ou des passages à la limite. Qu’elle se présente sur le mode de la séduction, de la provocation, de l’incitation, de la perversion – elle est indissociable de la production d’un trouble, elle joue avec la désorientation, le dédoublement. »

Il n’est pas question ici de passer à la trappe des pratiques odieuses s’établissant « dans une sorte de zone grise où la relation de pouvoir entre deux sujets de condition bien inégale se poursuit néanmoins sur un mode relationnel d’où la parole, les échanges verbaux ne sont pas absents et où séduction, bluff, mensonge, intimidation, chantage, promesses, etc. occupent, du côté de l’abuseur, une place probablement plus déterminante que la pure contrainte physique ». Certes, mais il n’en demeure pas moins que les analyses produites dans cet essai sont déconcertantes et parfois étonnantes. Par exemple,les auteurs considèrent Metoo comme un dispositif individualisé dont, finalement, l’effet inscrit « dans un angle mort les agencements sexistes installés par le Capital, l’industrie, le commerce, le culte de la marchandise et la marchandisation du corps des femmes.  »

De fait, cette soi-disant défense des droits dissimulerait une nouvelle forme pernicieuse de backlash avec pour conséquence la répression des inconduites sexuelles selon les fameuses nouvelles normes. Celles-ci s’accompagnant évidemment de l’idée en vogue, depuis un certain temps, de la quête du bonheur et du plaisir en guise de décor, à condition que cette quête réponde à la morale en vigueur.

Ordo sexualis. Réflexions sur l’ordre (et le désordre) sexuel, l’essai incite à la vigilance. « Une avancée sur le terrain de la loi détermine en effet un gain en termes de liberté nominale, ou formelle, […] la question qu’on doit immédiatement se poser est celle de savoir si cette forme de liberté se traduit effectivement par des formes de liberté réelle ou non. »