Chroniques rebelles
Slogan du site
Descriptif du site
Samedi 2 novembre 2019
Alger, capitale de la révolution. De Fanon aux Black Panthers de Elaine Mokhtefi. Germaine Berton. Une anarchiste passe à l’action de Frédéric Lavignette
Article mis en ligne le 1er novembre 2019
dernière modification le 16 octobre 2019

par CP

Alger, capitale de la révolution
De Fanon aux Black Panthers

Elaine Mokhtefi (La fabrique)

Entretien avec l’auteure

Le livre est présenté en Algérie pendant la 24ème édition du Salon du livre d’Alger qui a commencé le 30 octobre et s’achève le 9 novembre.
Germaine Berton
Une anarchiste passe à l’action

Frédéric Lavignette (L’échappée)

1951. Paris au lendemain de la guerre, de l’Occupation, la ville en porte les marques par la morosité, les couleurs ternes, la méfiance… Elaine Klein, jeune états-unienne, débarque dans cette ville dont elle attend beaucoup. Cependant, écrit-elle, « dans les entrailles de Paris se préparaient des drames que j’allais mettre des mois à enregistrer et à comprendre. Une sous-classe et une sous-culture de travailleurs algériens immigrés engageaient la ville et le pays dans une bataille existentielle pour la reconnaissance et la liberté. »

C’est ainsi que s’ouvre le récit d’Elaine Mokhtefi, Alger, capitale de la révolution. De Fanon aux Black Panthers. Si elle était loin d’imaginer alors son implication dans la lutte pour l’indépendance algérienne, une lutte qui la mènerait à un autre combat, celui des Black Panthers, elle savait ce qu’était le racisme… Dans le Sud des Etats-Unis, la ségrégation « sautait au yeux, jour et nuit, à travers une réglementation et des lois appliquées par les citoyens et imposées par les forces de l’ordre. Les restaurants, toilettes, écoles et transports publics, les fontaines d’eau, tout était ségrégué ». Très jeune, elle se rebelle.

À Paris, la manifestation du 1er mai 1952 est pour elle une révélation, néanmoins elle note : «  la célèbre devise — liberté, égalité, fraternité — était en berne. Le colonialisme et le racisme m’apparurent comme les deux piliers du pouvoir et de la suprématie. » L’anticolonialisme va donc de soi et la guerre d’Algérie « est devenue la cause déterminante des années cinquante ». Il n’est d’ailleurs pas question de « guerre » d’Algérie à cette époque, mais de « pacification » ou des « événements » algériens, un déni politique révélateur.

Franz Fanon, avant d’être expulsé d’Algérie, écrit une lettre ouverte au gouverneur général de l’Algérie, « Le pari absurde était de vouloir coûte que coûte faire exister quelques valeurs alors que le non-droit, l’inégalité, le meurtre multi-quotidien de [l’être humain] étaient érigés en principes législatifs […]. Les événements d’Algérie sont la conséquence logique d’une tentative avortée de décérébraliser un peuple ». Elaine est avec Franz Fanon pour la Conférence panafricaine des peuples, mais auparavant elle travaille à New York, au siège des Nations unies avec la délégation du FLN afin de dénoncer la guerre coloniale menée par la France contre la population algérienne.

Huit années de guerre en Algérie signifie les actes systématiques de torture, les disparitions, les liquidations sommaires, « plus de deux millions d’hommes, de femmes et d’enfants soit un quart de la population indigène […] enfermée dans des camps de concentration », de 300 000 à un demi million de victimes, les meurtres d’Algériens, d’Algériennes, et de fonctionnaires français par l’OAS. En 1962, au moment de l’indépendance, la moitié de la population est démunie, affamée et malade, les enfants souffrent de rachitisme et de tuberculose.

« Le sous-développement résultait d’un colonialisme fondé, comme ailleurs, sur le racisme et l’inégalité, dont les objectifs étaient la mainmise sur les ressources du pays et la destruction de sa culture », remarque Elaine, qui s’installe à Alger quelques semaines après l’indépendance. Pleine d’espoir, elle participe aux premières années de l’Algérie indépendante en tant que journaliste, interprète et organisatrice de rencontres. Alger devient alors le « carrefour pour tous les mouvements de libération et antifascistes des années soixante. » C’est ainsi qu’elle accueille les Black Panthers en exil et aide à la mise en place du Festival panafricain d’Alger. Pendant ces douze années algériennes, jamais elle ne se départit de sa curiosité, de son humour et de son esprit critique.

Son compagnon de vie, Mokhtar Mokhtefi, Elaine le rencontre à Alger. « Lorsque, après l’Indépendance, il a vu leurs idéaux broyés, outragés, il s’est senti meurtri dans son âme. Le jour où j’ai été expulsé d’Algérie pour avoir refusé de devenir une informatrice de la Sécurité militaire, ce fut le coup de grâce. “Je perds mes dernières illusions” », a-t-il écrit alors. « L’exil reste l’ultime solution lorsque la médiocrité et la féodalité triomphent et s’érigent pour devenir nos juges. » Cela ne l’empêchera pas d’intituler son dernier texte I had a wonderful life.

Alger, capitale de la révolution. De Fanon aux Black Panthers est un récit passionnant qui mêle la vie personnelle d’Elaine Mokhtefi, l’histoire politique d’une époque, les luttes antiracistes et les rencontres de figures importantes de l’anticolonialisme, enfin c’est une ode à un pays qui, un moment, a représenté la construction, ou plutôt la reconstruction d’un monde sur des bases nouvelles et justes après une guerre atroce. Alger, capitale de la révolution a aussi une résonance dans l’actualité algérienne, lorsqu’un peuple à nouveau se révolte…

Nul doute qu’Elaine suit aujourd’hui les manifestations et les réactions de la population, des jeunes en Algérie, puisque son lien avec ce pays reste intact, grâce aux amitiés, à ses souvenirs et aussi à la lecture du journal El Watan
Mais retour à son arrivée à Paris en 1951, au début d’un itinéraire étonnant…

Et pour conclure cette émission, voici l’affaire Germaine Berton, qui, comme l’indique l’auteur de ce livre, Frédéric Lavignette, avait la jeunesse, des convictions libertaires et un Browning… Un détonnant mélange !
Un livre étonnant et passionnant.

Germaine Berton
Une anarchiste passe à l’action

Frédéric Lavignette (L’échappée)

Pour Germaine Berton, une seule obsession : tuer Léon Daudet, l’un des dirigeants royalo-nationalistes de L’Action française. À défaut, son homologue Charles Maurras pourra faire l’affaire. C’est finalement le chef des Camelots du roi, Marius Plateau, qui essuiera les tirs de son pistolet.

L’affaire Berton peut alors commencer. Et emplir les colonnes de la presse tout au long de l’année 1923. En effet, passé ce meurtre, bien des rebondissements s’enchaînent : saccages et agressions, enquêtes et procès, menaces et insultes, sur fond de polémiques politiciennes. Sans compter les suicides et les enterrements pour parfaire le tableau.

À partir d’une étude exhaustive et originale de la presse de l’époque, ce livre illustré de plus de 500 documents retrace dans ses moindres recoins la vie emportée d’une femme identifiée par beaucoup, dont les surréalistes, à une héroïne.

Il nous plonge au jour le jour dans le bain politique d’une époque agitée, fait d’affrontements de rue, de péripéties judiciaires et de combats idéologiques féroces entre anarchistes et royalistes.

Lecture d’extraits par Nicolas Mourer