Chroniques rebelles
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Samedi 28 décembre 2019
Ordo Sexualis Réflexions sur l’ordre (et le désordre) sexuel de Alain Brossat et Alain Naze (Eterotopia France/Rhizome). Red Fields (Les champs pourpres) de Keren Yedaya, présenté dans la section long-métrages en compétition du CINEMED.
Article mis en ligne le 17 décembre 2019
dernière modification le 12 décembre 2019

par CP

ORDO SEXUALIS. RÉFLEXIONS SUR L’ORDRE (ET LE DÉSORDRE) SEXUEL
Alain Brossat et Alain Naze (éditions Eterotopia)

Coup de cœur pour Red Fields (Les champs pourpres) de Keren Yedaya , présenté dans la section long-métrages en compétition du CINEMED, festival du cinéma méditerranéen.

Mariage pour tous et toutes, débats autour de la majorité sexuelle, scandales de la pédophilie au sein de l’église catholique, Metoo contre le harcèlement… Des thèmes très actuels qui annoncent de nouvelles normes régissant la vie sexuelle, ou la codification des questions de genre étant présentées comme autant d’évolutions positives des mentalités…
Mais qu’en est-il en réalité ? Dans Ordo sexualis. Réflexions sur l’ordre (et le désordre) sexuel, les deux auteurs examinent avec un regard critique ces courants et ces phénomènes tout en s’efforçant d’« introduire un peu de jeu à l’égard de certaines représentations dominantes, dans notre présent, relativement aux questions des rapports entre les sexes, du type de relations privilégié dans le cadre de certaines formes de sexualités ». Histoire, il faut toutefois le souligner, d’« introduire de la discontinuité dans les discours trop bien huilés des tenants de conceptions historiques selon lesquelles l’humanité serait engagée dans un processus inéluctable et continu de progrès en matière de mœurs. »

Ainsi, « nous avons tout intérêt [écrivent-ils] à envisager aussi sous l’angle des fonctionnalités sociales et des ajustements culturels requis par, disons, les intérêts du marché et ceux du gouvernement des vivants, [car] ces combats et ces revendications sont indissociables d’un motif moins exposé mais non moins prégnants que ceux qui s’exposent dans la dimension de la civilisation morale – celui de leur employabilité, de leur utilité ». Établir de nouvelles normes concernant la sexualité… Mais « ce qui rend difficile l’enfermement de la sexualité dans des normes, c’est sa fluidité, son instabilité, sa propension au débordement, ses affinités avec l’excès. Il y a toujours, dans la sexualité, une dimension du jeu, une tentation de se désassigner et de chercher des lignes de fuite ou des passages à la limite. Qu’elle se présente sur le mode de la séduction, de la provocation, de l’incitation, de la perversion – elle est indissociable de la production d’un trouble, elle joue avec la désorientation, le dédoublement.  »

Il n’est pas question ici de passer à la trappe des pratiques odieuses s’établissant « dans une sorte de zone grise où la relation de pouvoir entre deux sujets de condition bien inégale se poursuit néanmoins sur un mode relationnel d’où la parole, les échanges verbaux ne sont pas absents et où séduction, bluff, mensonge, intimidation, chantage, promesses, etc. occupent, du côté de l’abuseur, une place probablement plus déterminante que la pure contrainte physique ». Certes, mais il n’en demeure pas moins que les analyses produites dans cet essai sont déconcertantes et parfois étonnantes. Par exemple,les auteurs considèrent Metoo comme un dispositif individualisé dont, finalement, l’effet inscrit « dans un angle mort les agencements sexistes installés par le Capital, l’industrie, le commerce, le culte de la marchandise et la marchandisation du corps des femmes. »

De fait, cette soi-disant défense des droits dissimulerait une nouvelle forme pernicieuse de backlash avec pour conséquence la répression des inconduites sexuelles selon les fameuses nouvelles normes. Celles-ci s’accompagnant évidemment de l’idée en vogue, depuis un certain temps, de la quête du bonheur et du plaisir en guise de décor, à condition que cette quête réponde à la morale en vigueur.

Ordo sexualis. Réflexions sur l’ordre (et le désordre) sexuel, l’essai incite à la vigilance. « Une avancée sur le terrain de la loi détermine en effet un gain en termes de liberté nominale, ou formelle, […] la question qu’on doit immédiatement se poser est celle de savoir si cette forme de liberté se traduit effectivement par des formes de liberté réelle ou non. »

Coup de cœur pour Red Fields (Les champs pourpres) de Keren Yedaya , présenté dans la section long-métrages en compétition du CINEMED, festival du cinéma méditerranéen.

Le film n’a pas encore de distributeur en France… On peut se demander pourquoi.
Keren Yedaya, réalisatrice de Red Fields (les champs pourpres) s’est inspiré de l’opéra rock antimilitariste, Mami, écrit par Hillel Mittelpunkt, un opéra culte des années 1980. Il est important de souligner que cet opéra antimitariste est donné sur scène en 1986, quatre ans après l’invasion du Liban par l’armée israélienne, l’opération Paix en Galilée marquée par le massacre de Sabra et Chatila en septembre 1982, et suivie par une prise de conscience d’officiers israéliens. C’est aussi un an avant le début la première Intifada, en 1987. Le contexte politique de l’époque permet de comprendre la radicalité des paroles, des chants, en hébreu et en arabe, de même le film met en scène les différences de classes sociales existant en Israël, entre le milieu ashkénaze et le milieu sépharade israélien et juif oriental.

Mami, l’héroïne, vit dans une ville pauvre du Sud israélien et rêve d’un futur meilleur auprès de Nissim, qu’elle vient d’épouser avant qu’il ne reparte à l’armée. Elle travaille dans une station-service et n’a guère d’avenir. Lorsque son mari revient handicapé à vie, le rêve est anéanti, Mami décide alors de partir à Tel Aviv pour tenter de s’en sortir. Elle y rencontre d’autres formes de violence sociale, celles des conséquences de l’occupation, le mépris de classe, le machisme…

Le cauchemar de la jeune femme naïve est à son comble lorsque, finalement, Mami se retrouve à la rue, et est recueillie par la tenancière d’un bordel qui a des accointances avec l’élite politique et les services secrets. Le personnage de mère maquerelle est haut en couleurs, ce qui donne à Keren Yedaya l’occasion de faire un film de pub complètement déjanté sur une maison close ayant pignon sur rue.

C’est alors que le film bascule dans un autre genre, celui de la science-fiction, en gardant néanmoins un réalisme confondant sur les manipulations des discours politiques…

Le film est construit comme une tragédie antique, avec intervention d’un coryphée et d’un chœur de musicien.nes, le coryphée, Dudu Tassa, raconte les étapes du récit, commente l’expérience de Mami et met en scène les personnages. Les arrangements musicaux entre les différentes séquences sont composés par Dudu Tassa et il est prévu que la bande-son enregistrée en live — sublime — soit éditée sous forme d’album.

Red Fields est un opéra rock transposé au cinéma, on peut donc poser la question si la musique prend le pas sur la démarche cinématographique…
Réponse de Keren Yedaya dans l’entretien diffusé le 28 décembre dans les Chroniques rebelles de Radio Libertaire.

Ghost Tropic
Film de Bas Devos (1er janvier 2020)

En revenant de son travail, Khadija s’endort dans le métro, au terminus et à l’autre bout de la ville. Bruxelles la nuit comme vous ne l’avez jamais vue, une ville endormie où l’on côtoie des surprises, des malheurs, des sourires et parfois de la solidarité… Le film commence par un plan de son appartement où la nuit finalement s’installe et finit par le même plan avec le jour qui se lève… Une nuit défile avec toute une série de personnages éclectiques, et même un chien, que Khadija, la Candide, regarde avec empathie.
Quant à la fin, c’est peut-être la clé du titre ?

Ghost Tropic de Bas Devos sort le1er janvier 2020, jolie manière de commencer l’année cinématographique.