Chroniques rebelles
Slogan du site
Descriptif du site
Samedi 11 janvier 2020
Écritures de la révolution et de la guerre d’Espagne. Concerts et enregistrements du Trio Utgé-Royo. Swallow de Carlo Mirabella-Davis. Système K de Renaud Barret
Article mis en ligne le 13 janvier 2020

par CP

Écritures de la révolution et de la guerre d’Espagne
Exils et migrations ibériques au XXe et XXIe siècles
, n°9-10

Ouvrage coordonné par Odette Martinez- Maler et Geneviève Dreyfus-Armand
Lecture d’extraits par Nicolas Mourer
En compagnie de Daniel Pinós, Serge Utgé-Royo, Cristine Hudin.

Le trio Utgé-Royo en concert
Samedi 25 janvier 2020 à 20 h 30 & dimanche 26 janvier à 18 h
Le Triton – 11 bis, rue du Coq français – Les Lilas (93260)
Réservations : 01 49 72 83 13 ou 06 12 25 52 85, sur le site du Triton www.letriton.com et billetteries.

Swallow
Film de Carlo Mirabella-Davis (15 janvier 2020)

Système K
Film documentaire de Renaud Barret (15 janvier 2020)

Écritures de la révolution et de la guerre d’Espagne… La révolution espagnole est certainement l’une des expériences révolutionnaires les plus importantes du XXème siècle et la réflexion qu’elle apporte n’est certainement pas achevée. Nous avons déjà parlé dans les chroniques et sur Radio Libertaire des luttes révolutionnaires espagnoles en évoquant des récits de vie de gens simples animés par l’utopie — une utopie pratique —, la nécessité de s’opposer aux fascismes de l’époque, la résistance au franquisme, et cela notamment avec trois livres : Ni l’arbre ni la pierre de Daniel Pinós (ACL), la Raison douloureuse de Federico Edo-Gargallo (Fondation Anselmo Lorenzo) et la Saveur des patates douces de Vicente Marti (ACL). Également en évoquant les films de Richard Prost, Un autre futur, Contre vents et marées, sans oublier les films de fiction réalisés en 1936 et 1937, un cinéma produit par la CNT espagnole, Nosotros Somos Asi, Nuestro Culpable, Aurora de Esperanza, Barrios Bajos… dont Richard Prost a permis la découverte en versions restaurées et sous-titrées.

« À la fin de la guerre d’Espagne et durant les années noires qui l’ont suivie, plus d’un demi-million d’hommes et de femmes porteurs de projets d’émancipation sociale sont venus chercher asile en France. » Sous le titre Écritures de la révolution et de la guerre d’Espagne, la revue Exils et migrations ibériques aux XXe et XXIe siècle propose un numéro double rassemblant des paroles rares, des témoignages émouvants, des itinéraires révélant l’écho des idées de la révolution espagnole de 1936 chez les générations suivantes. Malgré la guerre, l’exil et ses blessures vives, cette période représente néanmoins une expérience exceptionnelle, spontanée et créatrice, celle d’une population en révolte mettant en application des changements drastiques pour une société égalitaire et juste.

Il ne s’agit pas ici de commémoration et d’histoire figée dans le passé, mais plutôt et c’est sans doute le plus essentiel, de l’expérience d’une révolution, de la résistance et de ses traces qui sont toujours autant d’inspirations pour aujourd’hui… En un mot il est question de transmission afin de poursuivre la lutte pour la reconnaissance des crimes franquistes. De la mémoire individuelle à la mémoire collective, il est nécessaire de revoir la mémoire historique. Or, « comment concevoir la récupération de la mémoire historique sans la volonté de réhabiliter les victimes de l’exil, de la limpieza franquiste, des camps de concentration français, des camps de la mort nazis, des emprisonnements, des tortures, des exécutions sommaires, des camps de travaux forcés de la dictature, des fosses communes et des bébés volés ? ». Mais la démarche de cet ouvrage représente aussi une ouverture sur les luttes actuelles pour construire une réflexion sur la situation internationale contemporaine et ses dérives.

Libertalias de Vicente Aranda

Cet ouvrage rassemble les témoignages d’hommes et de femmes dont les parents ont défendu, dans les années trente en Espagne, des idéaux d’émancipation puis – vaincus – ont connu l’exil, les camps, la Résistance au nazisme et ont combattu le franquisme jusqu’à la fin de la dictature. Les auteurs de ces récits actuels disent comment l’expérience historique particulière de leurs parents – républicains, socialistes, communistes ou anarchistes – leur a été transmise et comment ils l’ont interprétée. Ils racontent leur expérience de cette transmission : les fidélités, les esquives ou les ruptures qui ont jalonné leurs parcours singuliers. Ils évoquent, chacun à leur façon, la quête de traces effacées, le poids des héritages, le choix des filiations.

Dans une seconde partie, des écrivains et des réalisateurs de documentaires filmiques et radiophoniques – qu’ils soient ou non issus de familles de réfugiés espagnols – expliquent comment les archives privées, les silences et les paroles de ces derniers deviennent pour eux des matériaux d’une création esthétique qui fait vivre encore ces traces héritées sous des formes nouvelles. Les présentations de fonds d’archives exceptionnels et peu connus, les analyses croisées d’une historienne et d’une hispaniste éclairent les enjeux et les formes de cette transmission polyphonique. L’ouvrage comporte une riche iconographie : outre des fac-simile d’archives et des photographies personnelles des auteurs, de belles reproductions d’œuvres graphiques d’Helios Gómez, de Mariano Otero et de José Luis Rey Vila, dit Sim.

80 ans après la grande vague de près d’un demi-million de réfugiés venus, début 1939, chercher asile en France lors de la fin de la guerre d’Espagne, à l’heure où nos sociétés s’interrogent sur les motivations qui poussent des dizaines de milliers de gens, persécutés dans leurs pays, à venir chercher refuge dans un autre, le rappel des conditions inhumaines réservées aux premiers combattants des fascismes coalisés n’est pas inutile. À l’heure aussi du relativisme politique ambiant, les idéaux qui ont animé – et animent encore nombre de leurs descendants – doivent être évoqués car ils sont constitutifs d’un exil qui n’a pas eu de fin.
Odette Martinez-Maler et Geneviève Dreyfus-Armand

Le trio Utgé-Royo en concert

Samedi 25 janvier 2020 à 20 h 30 & dimanche 26 janvier à 18 h
Le Triton – 11 bis, rue du Coq français – Les Lilas (93260)
À 250 m du métro Mairie des Lilas (ligne 11).
www.letriton.com

Le trio Utgé-Royo, c’est Serge Utgé-Royo, Léo Nissim et Jean My Truong, chacun étant imprégné d’influences méditerranéennes et orientales, tant musicales que vécues, bref une rencontre et un partage sans frontières…
Nous avons parlé de mémoires du XXe siècle et si l’on remontait le temps…

Serge Utgé-Royo, auteur, compositeur, chanteur, comédien français, catalan et castillan, fils d’exilé.es, gamin flamenco de la Révolution espagnole, auquel les tendres et sales gosses de son enfance parisienne criaient « Espagnol à la noix de coco, fous l’camp, retourne chez Franco ! » Tandis que les petits copains d’Ibérie, retrouvés l’espace d’un été, le traitaient de Fanfaron ! C’est le nom qu’on donnait aux touristes qui, de France, venaient à millions…
Léo Nissim, compositeur, pianiste, classique, ouvert au monde, inclassable, tant ses origines sépharades, qui s’étendent des ruines du Pyrée aux légendes de l’Alhambra, lui ont construit, sous le ciel de Nice, puis de Paris, un univers pluriel, simple et complexe à la fois…
Jean My Truong, compositeur, batteur, fou de jazz, attentif à tous les univers rythmiques, né quelque part entre Périgord et Vietnam, trouve à Paris la joie de vivre et cultive avec ceux qui l’entourent la douceur de la sagesse orientale…

Un concert différent avec de nouvelles chansons, des chansons reprises et un enregistrement des concerts.
Samedi 25 janvier 2020 à 20 h 30 et dimanche 26 janvier 2020 à 18 h.
Le Triton – 11 bis, rue du Coq français – Les Lilas (93260)
À 250 m du métro Mairie des Lilas (ligne 11).
Réservations : 01 49 72 83 13 ou 06 12 25 52 85, sur le site du Triton www.letriton.com et billetteries.

Cinéma  :
Swallow de Carlo Mirabella-Davis (15 janvier 2020)

Une jeune femme, Hunter, semble vivre une vie d’épouse comblée mais soumise, véritable faire valoir de son compagnon qui dirige l’entreprise de son père. Hunter joue le jeu et expérimente l’existence de femme-objet que l’on exhibe, sans l’écouter. Sois belle et tais-toi !

Sa vie de couple modèle se déroule dans l’ennui et la passivité jusqu’à ce qu’elle soit enceinte. Elle développe alors un trouble compulsif du comportement alimentaire, caractérisé par l’ingestion d’objets divers, des glaçons, des billes, des punaises, qui paraissent liés à l’enfance… « Hunter agit à la manière d’une performeuse qui utiliserait son corps pour échapper à sa condition. La manière dont elle expose les objets qu’elle a avalés tient aussi de la démarche artistique. » Comme si elle utilisait ce moyen pour exprimer une forme création.

Son comportement change et sa solitude, pourtant très entourée, l’étouffe de plus en plus sans qu’elle en réalise les causes. Il y a également la différence de classes, Hunter vient d’un milieu modeste et a été « choisie » pour sa beauté, c’est presque un placement. En l’occurrence, la belle famille décide de la faire surveiller par une psychothérapeute et par une sorte de gardien, sans doute plus inquiète pour la descendance familiale que pour Hunter. Le contrôle par autrui de son corps, de son ventre, déclenche chez la jeune femme la révolte et dévoile finalement un grave traumatisme passé.

Hunter, incarnée par Haley Bennet, est filmée en gros plans, ce qui souligne l’évolution du trouble qui l’amène à prendre conscience de l’oppression qu’elle subit. « Qu’on soit homme, femme ou non-binaire [explique le réalisateur], la société nous assigne toujours un rôle et chacun se bat contre ces archétypes. Je pense que le féminisme peut aider tout le monde. En tant qu’homme, on doit s’interroger sur cette culture patriarcale dont on fait partie et qui nous profite, même si l’on dit qu’on soutient les femmes. Si vous ne faites pas partie de la solution ; vous faites partie du problème. » Un film original et fascinant.

Swallow de Carlo Mirabella-Davis est sur les écrans le 15 janvier.

Système K de Renaud Barret (15 janvier 2020)

"Système K" comme Kinshasa. « À Kinshasa, le ghetto est accolé à la ville. Je cherche des cigarettes et je rencontre un musicien qui marche avec une guitare dans le dos. Je lui parle, on entre ensemble dans la cité. Voilà, ça commence aussi simplement que ça. Là, il y avait tout, la musique, une énergie incroyable. Je n’avais jamais vu, jamais ressenti un truc pareil dans une ville. Une forme un peu mutante toujours en mouvement. À partir de là, je rentre à Paris, je plaque tout, j’achète des caméras et je repars là-bas. »

L’aventure filmique de Renaud Barret commence ainsi et son film traduit merveilleusement l’impression d’irréalité, de création à partir de rien, de recyclage d’objets, de bruits, d’instruments créés, de la rue, de la colère… Un bouillonnement constant et une réinvention incessante animée par des artistes inspirés.

D’abord il y a la musique, toujours présente dans le film, puis la rencontre du réalisateur avec « Béni Baras, qui était en train de brûler du plastique. Ce n’était pas la plus belle chose que j’avais vue de ma vie, mais il avait une incroyable motivation dans son geste, un désir de vie dans une situation très limite, entre la vie et la mort. […] C’est un art très direct, urgent. Les artistes parlent d’idées souvent assez simples : on n’a pas d’eau, pas d’électricité... Et on en fait quelque chose. Ce qui fait que la population va directement réagir et même interagir. Tous ces artistes ont le souci de faire passer des messages. C’est leur motivation principale. Il y a une forme d’amour pour les leurs alors qu’on est en face d’une population peu ou pas scolarisée depuis bientôt deux générations. C’est une vraie bombe à retardement. Les artistes sont en rébellion contre cette apocalypse discrète qui est en train de s’installer. Alors ils prennent la rue. Comme les gens sont dans la survie, abrutis de souffrance, le temps du sens critique, le temps de la réflexion est évidemment très réduit. C’est pour ça que les artistes interpellent la population de façon très directe, dans la rue. Ce sont des actes très réguliers. Tous ces jeunes gens n’attendent pas qu’il y ait une caméra pour agir. Ils sortent comme ça deux à trois fois par semaine. C’est une forme d’exutoire, presqu’une thérapie pour eux. Des artistes qui pratiquent déjà plusieurs médias trouvent dans la performance un art qui n’a pas de limite et qui a vocation à interpeller, à créer la discussion.  »

"Système K" c’est un mouvement, une expression en effervescence et sans limites… Un film étonnant !

Système K de Renaud Barret est sur les écrans le 15 janvier.