Chroniques rebelles
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Samedi 13 septembre 2008
Histoire du fascisme aux États-Unis
de Larry Portis (CNT-RP)
Article mis en ligne le 13 septembre 2008
dernière modification le 14 septembre 2008

par ps

«  Ce qui est frappant dans l’histoire des États-unis, et dans son système de gouvernance, c’est le contraste entre les principes qui ont prévalu lors de sa création et ont influencé le fonctionnement du système et, par ailleurs, les dérives dans leur application. »

« Le syndicalisme, les antagonismes ethniques et racistes, les doctrines socialistes et les pratiques communautaires ont provoqué des réactions déterminées, de plus en plus organisées. Aux réactions élitaires du dix-neuvième siècle ont succédé les mouvances inspirées et financées par les élites capitalistes et les politiques sympathisants. »

« Le fascisme n’est pas seulement un problème d’idée ou de complots élitaires. Toutes les classes et les catégories sociales sont réceptives aux appels autoritaires dans les moments de crise. Les travailleurs et les laissés-pour-compte, assujettis aux structures familiales ou institutionnelles, sont transformés pour beaucoup en chair à canon ou en collaborateurs. La « servitude volontaire » persiste dans les grands bouleversements sociaux. »

« Les courants de pensée et les formations politiques fascistes ou fascisants des années 1930 sont bien dans la continuité des précurseurs de la décennie précédente. Henry Ford, l’American Legion, le Ku Klux Klan et l’émergence d’un courant populiste de droite dans les années 1920 prépare les Etats-Unis à l’émergence du fascisme. Mais si le fascisme est une affaire des élites, il implique immanquablement toute la population. Dans les années 1930, un mouvement, ou plutôt le ferment d’un mouvement fasciste se concrétise dans le courant populiste et non par la formation d’unités paramilitaires. »

« Qu’une partie significative de la population des États-Unis soit largement préparée à se soumettre à un régime autoritaire, à céder sur ses droits civiques, semble évidente. Idéologiquement, la culture politique ambiante dans ce pays se prête à la dérive autoritaire. Mais ce n’est pas nouveau, il a déjà existé des moments de la courte histoire de cette république où les protections constitutionnelles ont été suspendues. Alors, peut-on parler d’un danger de l’émergence du fascisme aux États-Unis ? »

« Aux États-Unis, ce qui frappe en ce début du vingt-et-unième siècle, c’est la manière dont la conjoncture politique et économique semble particulièrement propice à une solution fasciste, bien que la population soit profondément divisée. »

Histoire du fascisme aux États-Unis de Larry Portis (CNT-RP) (Extraits)

Lire des extraits du livre de Larry Portis dans http://divergences.be (juillet 2008)

La critique historique a dessiné les invariants obscènes du monstre fascisme depuis belle lurette : culte du chef et de la personnalité entretenu à la manière de quelque comédie mythomane, construction d’une fable ethnopopuliste qui sert de justification à toutes les exacerbations identitaires, interprétation biologique du monde (les sains et les malsains, les globules et les microbes), exploitation régressive de l’angoisse, fascination des origines comme sources d’espérances, relectures négatives et fantasmées de l’Histoire…

La panoplie du parfait fasciste a déguisé Hitler comme Mussolini, Pétain comme Ceaucescu, Le Pen comme Sarkozy jusqu’à contaminer l’opinion publique transformée en rapace à qui l’on aurait ôté tout désir d’envol. Des variantes culturelles, historiques, géographiques, idéologiques, d’importance, demeurent certes, ne serait-ce que pour nous épargner l’écueil de l’amalgame, mais une folie dépassant toute interprétation, toute obsession de la source historique nous pousse à repérer des constantes.

Les États-Unis, eux, semblent, paraissent, ont l’air, passent pour n’avoir jamais céder à la tentation du diablotin fouettard caché dans l’urne maudite et prêt à surgir dès qu’autrui est nommé juif, noir, homosexuel, bref barbare au goût des tyrans. La bonne vieille démocratie libérale sécuritaire serait-elle le cache-sexe d’un totalitarisme qu’elle contiendrait de façon vipérine ?

Larry Portis publie Histoire du Fascisme aux États-Unis , un ouvrage qui interroge la présence d’un ou du fascisme au cœur même d’un système qui n’a jamais connu de régime fasciste. Tout est normal…sauf en-dedans. Une sorte de, une espèce de fascisme à la rigueur, à la limite, border line peut-être : mais comment s’est-il enraciné, enfoncé dans les façons ou les manières d’« être politique » ?

Chaise électrique, esclavagisme, répression des luttes sociales, construction simpliste d’une conspiration arabe, rhétorique populiste de la défense d’un burgercatholicisme standard et blanc, Larry Portis transperce l’hydre fédérale se nourrissant de l’abcès qui la tient paradoxalement debout. Et la France alors ? Serait-elle devenue une mauvaise élève copieuse ? Larry démonte ces cachoteries haineuses et sort le cadavre du placard. Ce dernier n’a-t-il jamais porté de costard ?

Émission présentée par Nicolas Mourer

Prenons garde à l’intervalle entre le marche-pied et le quai mais commençons fort tout de même ces Chroniques Rebelles, écoutons George W. Bush, le fils, encore Président des États-Unis cité par Bob Woodwards dans son ouvrage Bush at war (Bush s’en va-t-en guerre) :
« Je suis le commandant en chef, voyez, je n’ai pas besoin d’expliquer, je n’ai pas besoin d’expliquer pourquoi je dis des choses. C’est la partie intéressante de la fonction de président. Peut-être quelqu’un a-t-il besoin de m’expliquer le pourquoi de ce qu’il dit, mais je ne me sens pas devoir une explication à quiconque. »

George Bush, donc, ne donne pas d’explication, un point c’est tout, c’est comme ça, mange ta soupe et au dodo. Pourquoi donc ? Et bien parce que la légitimation du pouvoir par le peuple, c’est-à-dire par le droit de vote, autorise le pouvoir à se rendre précisément injustifiable, injustifié : je suis élu, je fais ce que je veux, et ma volonté n’est pas l’expression de la volonté du peuple, mais celle de l’arbitraire du prince : machiavélisme absolu. Parce que si notre bon vieux George au fond devait absolument se justifier, s’expliquer, il laisserait la possibilité à tous ceux qui sont en désaccord avec lui, de le détrôner sans aucune espèce de remords et nous aurions raison. Et là, moi, je me justifie, je m’explique et vous ressort la série, non exhaustive, de bonnes blagues fabriquées par ce bougre de George dans son bunker états-unien : invasion militaire illégale de l’Irak en mars 2003, doctrine de 2002 qui affirme, sans se justifier, le droit des États-Unis d’envahir d’autres nations pour des raisons fumeuses, changer le régime en place, se doter d’une mission civilisatrice quelconque, bref, répudier le principe de Nüremberg selon lequel, excusez du peu, « initier une guerre d’agression est non seulement un crime international, c’est le crime suprême international », rien que ça.

Autre farce d’envergure en 2001 : la signature de l’USA PATRIOT Act, qu’est-ce que c’est que ce truc ? Une Loi dite « d’exception » qui, à force d’être reconduite, notamment en 2005, finit par devenir une règle. En gros, un texte touffu de 342 pages qui projette d’ « Unir et renforcer l’Amérique en fournissant des outils appropriés pour déceler et faire obstruction au terrorisme ». Cette Loi autorise toutes les arcanes du pouvoir à faire irruption dans votre vie privée notamment grâce à des systèmes de surveillance électronique, à neutraliser les contre-pouvoirs, procéder à des arrestations secrètes, des détentions illégales et arbitraires en fonction de vos origines, votre race ou votre religion. La môme « Edvige », à côté, c’est une petite joueuse.

Dernière blagounette, 2006 : la suppression de l’Habeas Corpus, déjà suspendu plusieurs fois au cours de l’Histoire des États-Unis, c’est-à-dire mes amis, l’interdiction pour tout individu d’obtenir la protection par une procédure légale. En clair, Ô joie, le renforcement de la branche exécutive, comme c’est joliment dit, vous offre ce cadeau : être emprisonné indéfiniment sans aucun recours devant la Loi. Et pour finir ce florilège des puanteurs bushienne, posons-nous cette simple question : Comment se fait-il que la Cour Suprême, en juin 2006, ait du rappeler à la Maison Blanche, alors devenue bien pâle, qu’elle devait respecter les conventions de Genève, notamment l’interdiction formelle de soumettre des détenus à la torture et à d’autres traitements dégradants ? Merci George, et vive votre démocratie !

Et je pourrais comme cela, vous dresser le triste bétisier d’une interminable busherie dont on n’ose à peine espérer qu’un Mc Cain prénommé John ou un Obama quelconque casse la baraque.

Les États-Unis, pays des libertés, fondé par une constitution rédigée par des Pères (comme quoi il faut se méfier de nos papas), m’ont tout l’air de tomber dans une forme de fascisme.

Et je n’ai pas invité n’importe qui pour en parler : Larry Portis, historien sociologue qui lui se justifie, explique, et enquête sur ce phénomène dans un livre retentissant : Histoire du fascisme aux États-Unis. Histoire du fascisme ? Cela voudrait dire que les exactions ont commencé bien avant George ? Cela voudrait dire que le fascisme à l’intérieur des États-Unis est un phénomène qui ne grandit pas seulement depuis le début du XXIème siècle ? Etonnant lorsque l’on sait que le communisme totalitaire et le fascisme sont les deux fléaux politiques contre lesquels les Etats-Unis ont lutté au nom de la démocratie. Comment le fascisme s’est-il donc incrusté au sein même d’un système constitutionnel équilibré ? Et surtout, si les États-Unis acceptent dans leur giron une forme de fascisme ordinaire, que sera le sort de la démocratie ailleurs ?

Nicolas Mourer