Chroniques rebelles
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Anarchism in America (3)
Film de Joel Sucher et Steven Fischler
Article mis en ligne le 5 juillet 2009
dernière modification le 4 juillet 2010

par CP

Film proposé en version originale avec une traduction française

http://video.google.com/videoplay?docid=5896151564855675002

Ou

http://vodpod.com/watch/524190-anarchism-in-america

Anarchism in America (1h 13’ 45")

Reprise dans l’interview de Mollie Steimer :

Ils sont arrivés avec des bâtons, sans aucun respect de l’être humain.

C’est alors que j’ai réalisé que ceux qui détenaient le pouvoir, qu’ils soient tsaristes, démocrates américains ou issus de régimes libéraux, utilisaient ce pouvoir contre les plus faibles ou contre les masses désarmées. Et je n’ai plus été surprise de leur brutalité. J’ai attendu le pire.

Commentaire avec vue sur la ville et photo de l’époque de Mollie Streimer.

Emma Goldman a décrit Mollie Steimer comme ayant une volonté de fer
et un cœur tendre. À 20 ans, Mollie faisait partie d’un groupe anarchiste
de New York qui publiait un journal clandestin.

En 1918, elle a été arrêtée avec ses camarades pour avoir distribué des tracts contre l’intervention américaine en Russie. Un des jeunes anarchistes fut battu à mort par la police. Mollie et les autres furent accusés d’espionnage. À son procès, elle s’est chargée de sa défense.

Elle a déclaré : “La liberté individuelle doit être appliquée dans tous les sens du terme. Pour défendre cette idée, je consacrerai toute mon énergie et, si nécessaire, je donnerai ma vie.”

Elle fut condamnée à 15 ans de réclusion au pénitencier fédéral de Jefferson City, dans le Missouri. Mais elle ne purgera qu’une partie de
la peine.

Mollie Steimer :

En 1923, j’ai finalement été convoquée au bureau de la prison pour recevoir l’annonce de la décision de ma déportation. Je devais signer
des papiers. J’ai refusé. J’ai déclaré : “Je ne veux pas être déportée.
Je ne veux pas être graciée. Vous m’avez condamnée. Quand tous les prisonniers politiques seront libérés, alors que je sois libérée.”

Et je suis retournée dans ma cellule. Quand j’ai su que les camarades étaient dans Ellis Island et qu’ils m’attendaient, alors j’ai accepté. Je n’ai pas signé les papiers et j’ai déclaré : “Je ne partirai pas en raison de la grève des chemins de fer. Je refuse de voyager dans un train conduit par des jaunes.” Ils m’ont ainsi gardé dix jours de plus, jusqu’à la fin de la grève. Ils m’ont ensuite libéré, mais je n’ai jamais signé les papiers de déportation. Qu’ils appellent cela déportation ou libération, je n’ai signé aucun papier.

Je pensais arriver dans un pays en pleine révolution. Mais la révolution avait pris le mauvais chemin, il y avait un gouvernement, un régime policier, et je devais… les anarchistes devaient continuer la lutte. Mon départ s’est passé dans un certain enthousiasme parce que c’était d’abord un soulèvement contre l’oppression. Je n’avais aucun doute, ce serait une lutte.

Chanson révolutionnaire russe sur des images de la révolution russe.

Commentaire sur les images d’archives :

La révolution russe de 1917 a été un soulèvement spontané de paysans et d’ouvriers. Dans toute la Russie, les travailleurs organisaient des comités appelés soviets dans les usines et des assemblées populaires dans les villages.

Les bolcheviques, avec à leur tête Lénine, ont alors imposé sans ménagement la direction d’un parti unique. Ils ont déclaré que le succès de la révolution dépendait de l’obéissance du peuple à ses chefs. La police secrète, la Chéka, a supprimé toutes les factions non-bolcheviques, y compris les anarchistes.

Le grand théoricien de l’anarchie, Pierre Kropotkine, est revenu d’exil en espérant voir l’application de ses idées sur l’aide mutuelle. Il est mort en 1921, sans illusion sur la révolution. Ironiquement, de nombreux anarchistes emprisonnés furent autorisés à assister à ses funérailles,
mais c’était le coup de grâce pour l’anarchisme en Russie. Et ceux qui eurent la chance de s’échapper, comme Emma Goldman et Mollie
Steimer, ont définitivement tourné le dos à leur pays d’origine.

Des années auparavant, Michel Bakounine, l’un des principaux penseurs anarchistes, avait fait des mises en garde à propos des marxistes, disant qu’ils n’avaient pas l’intention d’abolir le pouvoir de l’État, mais d’opérer son simple transfert d’un groupe à un autre. Ses paroles étaient prophétiques : “Marx et ses amis vont centraliser tous les pouvoirs du gouvernement dans des mains puissantes. La bureaucratie rouge sera et le mensonge le plus violent et terrible créé par notre siècle.”

Murray Bookchin :

Mon itinéraire et comment je suis devenu anarchiste est une longue, longue histoire. En 1930, je suis entré dans le mouvement des
jeunesses communistes, une organisation appelée Young Pioneers of America, à New York. J’avais seulement 9 ans.

Et j’ai traversé les années 1930 en étant d’abord staliniste, puis sympathisant trotskiste. En 1939, après avoir assisté à l’arrivée au
pouvoir de Hitler, à la révolte des ouvriers autrichiens de 1934 —
épisode presque complètement oublié de l’histoire ouvrière —, à la révolution espagnole — je préfère ça à guerre civile espagnole —,
j’ai perdu le reste de mes illusions sur le stalinisme et me suis tourné
vers le trotskisme. Et en 1945, j’ai finalement perdu mes illusions sur le trotskisme, puis, peu à peu, sur le marxisme et le léninisme.

Mais ce qui est essentiel, pour ce qui me concerne et quand je réfléchis à tout cela, c’est que j’ai traversé une phase du marxisme presque inconnue aujourd’hui des radicaux américains ; une période où le marxisme était
un grand mouvement de travailleurs, un mouvement de masse, dans lequel des centaines de milliers de personnes se reconnaissaient, qui les rassemblaient pour des manifestations impressionnantes à travers tout
le pays, sous les drapeaux rouges qu’ils soient communistes ou socialistes.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, en particulier à la fin des années 1940, J’ai vu ce mouvement disparaître littéralement, disparaître de l’histoire, au moins aux États-Unis. Je ne crois pas que cela se reproduira. Ce que je veux dire, c’est que j’ai vu la fin du mouvement ouvrier classique. Et je me suis posé la question : pourquoi est-ce arrivé ?
Quelle est la signification de tout cela ? Et je suis arrivé à cette
conclusion : le mouvement ouvrier n’a jamais eu de véritable potentiel révolutionnaire ; les usines — j’ai travaillé pendant dix ans en usine, en partie en tant que syndicaliste de l’ancien CIO avant sa fusion avec l’AFL (1955), il était encore un syndicat très militant, vous voyez ce que je
veux dire, encore en pleine expansion —, ce mouvement ouvrier n’a jamais eu les véritables potentialités que Marx lui a attribué. C’est un fait, l’usine, qui est supposée organiser les travailleurs, dans le langage marxiste “les mobiliser”, et instiller en eux la conscience de classe qui résulte du conflit entre les salariés et le capital, a en fait créé des réflexes qui enrégimente le travailleur.

Ce qui asservit le travailleur à l’éthique du travail, à la routine industrielle, aux formes hiérarchiques d’organisation. Et en dépit de la force argumentaire de Marx sur ce mouvement qui pourrait avoir des conséquences révolutionnaires, il semble qu’en réalité ce mouvement ne pourrait avoir qu’une seule fonction : adapter les travailleurs au système capitaliste. J’ai alors tenté de comprendre quels étaient les mouvements
et les idéologies si vous voulez, vraiment libérateurs supposés affranchir les individus de cette sensibilité et de cette mentalité hiérarchiques, de cette perspective autoritaire, de cette assimilation complète à l’éthique du travail. Et je me suis alors très consciemment tourné vers les idées anarchistes.

L’anarchisme a posé la question, pas seulement de la lutte entre les classes basée sur l’exploitation économique, l’anarchisme a vraiment posé une question historique qui va même au delà de notre civilisation industrielle et des classes, la question de la hiérarchie. La hiérarchie existant dans la famille, la hiérarchie à l’école, la hiérarchie dans les relations sexuelles, la hiérarchie dans les groupes ethniques.

Cela ne concernait pas seulement les divisions de classes basées sur l’exploitation économique. Il n’était plus question de la seule exploitation économique, il s’agissait de domination. La domination peut n’avoir aucune signification économique. La domination des femmes par les hommes, où les femmes ne sont pas forcément exploitées économiquement ; la domination des gens ordinaires par les bureaucrates dont ils obtiennent des allocations du soi-disant état socialiste ; la domination qui existe aujourd’hui en Chine, dans une société supposée sans classes.

C’est ce que j’ai trouvé dans l’anarchisme et c’est ce qui m’a amené progressivement à la conclusion qu’il fallait éviter les erreurs faites depuis plus de cent ans de socialisme prolétarien si l’on voulait véritablement construire un mouvement libérateur, pas en termes de questions économiques, mais dans tous les aspects de la vie. Il fallait se tourner vers l’anarchisme qui, seul, pose le problème de la domination de classe et de la domination hiérarchique.

Fin de la troisième partie du film

Anarchism In America (3)


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