Chroniques rebelles
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Walter. Retour en résistance. Film de Gilles Perret et Palextile
Samedi 7 novembre 2009
Article mis en ligne le 9 novembre 2009
dernière modification le 23 mars 2014

par CP

Avec Laure, Marwa et Gilles Perret.

Walter Retour en Résistance Film documentaire de Gilles Perret

À travers l’itinéraire de Walter Bassan, résistant et déporté à Dachau, il est question d’engagement antifasciste et de résistance. Sa révolte toujours aussi vive contre l’injustice sociale et les lois sur l’immigration, sa vigilance face aux conséquences du racisme et de la xénophobie — « le fascisme se nourrit du racisme, de l’intolérance et de la guerre » —, son refus de la récupération par le pouvoir actuel des symboles de la lutte pour laquelle nombre de ses camarades sont morts dans des circonstances abominables, son courage et sa simplicité inspirent le respect.

Après avoir vu le documentaire de Gilles Perret, Walter. Retour en résistance, on se dit que la mémoire individuelle est importante et qu’elle permet de remettre les pendules à l’heure… Car la propagande d’État a les moyens de revisiter les faits et de fabriquer une histoire officielle dans le but de modeler des esprits. Sur les droits sociaux par exemple : la sécurité sociale, à lire
et à entendre, serait un gouffre abyssal, une faillite assurée et l’œuvre d’irresponsables vaguement idéalistes… Mais la solidarité qu’elle représente, on n’en parle pas. Une valeur obsolète diront les plus cyniques ! Allons-nous devenir comme certain-es qui, outre-Atlantique, voient dans le droit à la
santé pour tous et toutes une attaque de la libre entreprise, voire de la
« démocratie » ? Mais quelle démocratie ? La démocratie qui permet
un contrôle du capital sert la société marchande, la solidarité devenant
une notion superflue ou bien — comment dit-on ? — dépassée.

La sécurité sociale date de 1945, ce n’est pas si lointain… Depuis de nombreuses années déjà, les gouvernements successifs nous serinent le
« trou de sécu », surtout, ajoute-t-on, avec une population qui vit de
plus en plus âgée ! Quelle est donc la solution ? Revenir en arrière avec
des riches plus riches et des pauvres plus pauvres qui, de surcroît,
n’auraient plus droit à la santé ?

Walter, jeune résistant sous le régime collaborationniste de Pétain, est demeuré fidèle à ses idées et le voilà à nouveau en résistance alors que l’image de la Résistance est récupérée par des politiciens bien étrangers
aux principes revendiqués à la fin de la Seconde Guerre mondiale,
dans l’élan de la Libération. Autant d’avancées sociales peu à peu
grignotées et d’idées vidées de leur contenu et de la volonté de justice
sociale qui s’y rapportait. Il s’agit aujourd’hui, avant tout, de ne plus être critique. La commémoration, oui, la mémoire officialisée, oui, mais le rappel des principes mêmes qui ont sous-tendu la lutte contre la Collaboration, la complicité des politiques et de la police, certainement pas. Pas question
non plus de défendre les réformes sociales de la Libération.

Or le documentaire de Gilles Perret revient sur les principes, sur la prise de conscience d’un jeune homme, sur son expérience et sa détermination. Walter ou le retour à l’évidence de résister. Il est évidemment inconcevable pour lui de subir et de se résigner, il ne peut que s’opposer à l’injustice et à l’inacceptable. Walter, c’est cette fraîcheur dans l’engagement et la critique, ce besoin de témoigner auprès des jeunes de son expérience durant l’une des périodes les plus noires de notre histoire. Walter a vécu le fascisme, l’Occupation nazie, les camps de concentration, la Collaboration justifiée par l’idéologie ou par la mauvaise foi. Il souligne d’ailleurs qu’il ne s’agit pas d’un phénomène exceptionnel, unique ou accidentel de l’histoire, mais de quelque chose qui peut se reproduire.

Le fascisme est toujours présent, sous d’autres formes. Les politiques sécuritaires, basées sur la peur de l’Autre, sont un prélude à de dangereuses dérives autoritaires. Si l’on prend pour exemple le fichage, par qui et comment sera-il contrôlé ? Quelle assurance a-t-on de l’utilisation faite des données ? Quelles sont les garanties concernant les droits humains ?

Retour sur la tentative d’intimidation et de censure dont est victime le film et son réalisateur. « Bon alors, vous allez couper cette séquence !? » intime Bernard Accoyer. Pourquoi le documentaire serait-il policé et aseptisé pour parler d’un homme qui s’est opposé à la Collaboration et au fascisme ? Gilles Perret n’a pas réalisé ce film pour une commémoration, mais pour permettre à un homme qu’il connaît depuis des années de témoigner de son combat et de son indignation de voir celui-ci récupéré par des opportunistes.

Il n’est pas question dans le documentaire de Gilles Perret de héros, mais d’un homme qui n’accepte pas l’indignité.

Sur les écrans depuis le 4 novembre 2009, dans toute la France et à L’Espace Saint Michel à Paris.

PALEXTILE : « BRODER L’ESPOIR EN PALESTINE »

La chute du mur de Berlin, il y a 20 ans : un symbole de liberté.
C’est, à part quelques exceptions près, le même discours sur les medias friands de commémoration à sensation et singulièrement oublieux des autres murs qui séparent, se construisent, condamnent, les murs de l’exclusion, de la honte… Et ils sont nombreux : entre le Mexique et les Etats-Unis, entre la Palestine et Israël, entre le Maroc et l’Espagne… Les murs s’érigent, les ghettos se multiplient…

Au lieu de commémorer vingt après, la destruction d’un mur, il serait plus réaliste d’analyser et de lutter contre ce phénomène de ghettoïsation présenté comme une protection. Les politiques sécuritaires s’emballent et ont des dérives dangereuses comme cela est abordé dans le film documentaire de Gilles Perret, Walter, retour en résistance.

Ces murs symboles de destruction de paix et de vie sociale… Combien d’années encore devons-nous attendre pour commémorer leur chute ?

Nous avons choisi aujourd’hui de parler, avec les deux coordonnatrices — Marwa Hammad et Laure —, d’une initiative qui saute le mur de l’occupation israélienne et de raconter une culture — la culture palestinienne — à travers la création et la mode. Mais oui la mode, et ce n’est pas futile lorsqu’elle symbolise une forme de lutte contre ce mur qui sépare deux peuples.

« Ce projet vise plusieurs objectifs :
 illustrer la beauté et la variété des vêtements traditionnels, reconnaître le sens des couleurs, la signification des motifs, identifier les subtiles influences liées à l’histoire de la Palestine, soutenir le développement économique et la production textile palestinienne, développer le travail à domicile, pérenniser les collections Palextile en collaboration avec le collectif de femmes du Camp de Aïda et enfin diffuser la production textile palestinienne en adaptant les vêtements importés aux critères de la mode. » Bref à construire un pont qui saute ce mur de l’humiliation.

« À ce peuple prisonnier, déclare les responsables du projet, nous souhaitons rendre sa dignité et faire entrer la reconnaissance de sa culture dans notre vie quotidienne, et sa place d’acteur dans l’économie mondiale.
La mode que nous proposons offre une autre image de la Palestine : celle d’une population créative et plurielle... bien loin des clichés véhiculés par les grands médias.
 »

Palextile et industrie textile

Traditionnellement, la broderie palestinienne est un savoir faire féminin qui malgré l’occupation est préservé. Palextile est un projet de soutien et de valorisation de ce savoir faire. C’est le fruit d’un travail entre deux associations, une ici et une là bas. Al Rowwad dans le camp de réfugiés d’Aida et les Amis d’Al Rowwad en France.

Ce type de projet permet à des collectifs de brodeuses d’avoir une place dans l’économie palestinienne.
Avant de présenter le contenu de Palextile, il est indispensable de présenter le contexte de la production textile en Palestine.

Pourquoi un projet autour du textile ?!
La broderie d’artisanat palestinienne au point de croix est largement relayée en France par le mouvement de solidarité avec la Palestine. En revanche, on connait moins la donnée suivante : Le secteur textile a été jusqu’à la deuxième Intifada le 2 ème employeur après le BTP.

Il y a en fait deux types d’économies dans le secteur textile :

 une « industrielle », plus : institutionnelle, productiviste, commerciale, capitaliste, piloté par l’occupant (celle qui emploie la masse de travailleurs, cependant ultra réduite depuis 2eme intifada)
 une de « résistance », soutenue principalement par le mouvement de solidarité internationale, plus orientée sur la valorisation des savoirs faire culturels palestiniens que le business pur. Construite en opposition à la première et avec un désir d’indépendance par rapport à l’occupant.

Savoirs faire traditionnels palestiniens : cuir à Hébron, maille à Bethleem, Jeans à Naplouse….broderies dans toutes les régions de Palestine.

*Contexte régional dans le secteur du textile :

Domination économique israélo-américaine dans la région, surtout avec les pays voisins ayant signé un traité de paix avec Israël : Egypte + Jordanie. Création de zones franches pendant les Accord d’Oslo, qui s’avèrent être un échec car il n’y a aucun détachement par rapport au schéma colonial : j’apporte les commandes (partie israélienne) et vous fournissez les ouvriers (côté palestinien/jordanien/égyptien). Israël est un pays qui vit lui même de ses exportations.

* Marques visibles de l’occupation :
Base de témoignages de professionnels palestiniens, documentaires sur le sujet, interviews écrites….

 contrôle et décision sur les importations et les exportations
 taxe sur les importations à payer aux autorités israéliennes. Cela rend les prix des matières excessifs et fait perdre beaucoup de compétitivité aux prix des produits.
 pas de terminaux portuaires et aériens directs en Cisjordanie
 check points et contrôle israélien : 3 terminaux légaux de sortie de marchandises pour plus de centaines de km de Mur.
 pas de réseau routier viable pour la circulation de marchandises palestiniennes, routes interdites à la circulation pour les palestiniens.
 isolement des territoires : Bande de Gaza + Jérusalem Est = Prétextes sécuritaires et militaires.
 restrictions de mouvements pour la population palestinienne
Chaque ville est un bantoustan. Peu d’échanges commerciaux entre le nord et le sud.
 Emploi de travailleurs palestiniens dans les colonies par des entreprises israéliennes. Décision de Haute Cour israélienne en octobre 2007 d’appliquer le code du travail du pays dans les colonies. Une campagne de boycott est lancée au niveau international (dont la France) depuis 2005 pour sanctionner toutes les entreprises israéliennes qui profitent de l’occupation pour exploiter la main d’œuvre palestinienne.

Gaza :
Historiquement forte activité textile, de tissage. Les refugiés du village palestinien Al Majdal (devenue aujourd’hui Ashkelon) sont installés dans le camp de Jabālīyah de la bande de Gaza. Le tissu Majdalawi est chargé d’histoire ; il est le témoin de l’exil forcé des palestiniens. Une association dans la bande de Gaza continue à tisser ce tissu, signature dans les vêtements traditionnels, de la région côtière du sud.

Rappel historique :
 Fin des années 1970 / Première Intifada (1987) :
Création de zones franches cogéré (israéliens / Palestiniens) sur le même modèle que celles crées entre les israéliens et les égyptiens.
 Point mort sur le plan économique pendant la première Intifada
 Accords d’Oslo : fleurissement de zones franches
 Deuxième Intifada : Ordres militaires qui étouffent toute initiative économique.
 2005 : Fermeture du point de passage de Karni (Nord). Conséquence : Pertes économiques énormes car forte activité textile à cet endroit là.
 2006 : Début du blocus

Cela montre que les joint ventures sont une chose, mais que la domination coloniale est bien là et nous fait s’interroger sur le concept de « paix économique » ?
Et puis les rapports de domination/ classe sociales que l’on retrouve dans le système capitaliste de toute manière.
Alors dans cette économie dite industrielle, quand sortira-on du schéma suivant ?

Israélien : Donneur d’ordre ET Palestinien : main-d’œuvre bon marché.

Face à tout ceci, une résistance économique dans un esprit d’indépendance par rapport à l’occupant, s’impose en Palestine et une solidarité envers cette résistance s’impose ici !

Palextile, c’est :

Des collections made in Palestine confectionnées et sérigraphiées par des artisans locaux ou brodées à la main par les femmes du centre culturel Al-Rowwad du camp de réfugiés d’Aida (Bethléem).

Tout en intégrant la création contemporaine, elles s’inspirent de l’histoire de la Palestine : coupes classiques revisitées, graffitis du Mur sérigraphiés, motifs traditionnels et nom des villages détruits en 1948 brodés sur les vêtements.
Le vêtement devient ici le vecteur d’une autre image de la Palestine : celle d’une population créative et plurielle, qui résiste à l’occupation israélienne malgré l’isolement et l’amputation de ses libertés.

S’habiller : une nouvelle forme de solidarité.

Cette évolution de la broderie d’artisanat vers la broderie sur le vêtement est un moyen de partager la richesse de l’héritage culturel palestinien, transmis de mère en filles depuis des siècles.
Cela permet au collectif de femmes du camp d’Aida, d’avoir des revenus permettant de répondre aux besoins de la famille, très souvent déstructurée, conséquence de l’occupation israélienne.

Resistance en Palestine, Solidarité à cette résistance en France, voilà les enjeux de Palextile.

La boutique où sont exposés les broderies et les créations de Palextile est ouverte tous les samedis (24 rue Custine, 75018 Paris).