Chroniques rebelles
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Fix me. Film de Raed Andoni
Christiane Passevant
Article mis en ligne le 27 mars 2011
dernière modification le 3 décembre 2012

par CP

Raed Andoni, réalisateur et producteur palestinien, décide d’en finir avec ses migraines chroniques et consulte le docteur de famille qui lui dit, avec un certain humour, qu’elles sont dues à la situation et renvoie dos-à-dos les dirigeants israéliens et palestiniens. Mais le cinéaste décide de ne pas en rester là et se rend au service de Santé mentale du Croissant Rouge de Ramallah. Il y rencontre un psychothérapeute qui accepte que les vingt séances d’analyse avec Raed Andoni soient filmées, la caméra étant placée derrière une glace sans tain.

Au final, cela donne vingt séquences d’analyse et de vie, bref une expérience pas comme les autres, qui lie le privé au politique, et fait une démonstration étonnante d’ironie acerbe, de sincérité et d’originalité.

Dans le dossier de presse, Raed Andoni est présenté comme le « cousin de Woody Allen », je pencherais plus quant à moi pour une parenté avec Elia Suleiman, notamment à certaines séquences d’Intervention divine. Mais si Elia Suleiman sautait le mur dans son dernier film, Le temps qu’il reste, dans le film de Raed Andoni, tout un pan du mur s’écroule, comme une porte qui s’ouvre sur un ailleurs rêvé, imaginé. Fix me est une œuvre tout à fait personnelle, à la fois jubilatoire et grave. Une vision différente de la Palestine et de sa population. Un cinéaste en proie à ses fantasmes et à ses névroses, dans un pays occupé, qui regarde vraiment les autres et revendique ses faiblesses.

Fix me de Raed Andoni fait partie des films présentés en avant première au 32e Festival international du cinéma méditerranéen.

Fix me [1] ou rencontre dans l’œil du chameau

Raed Andoni [2] : Dans cette thérapie, je ne pensais pas résoudre mes problèmes de migraine, mais plutôt exprimer des questions enfouies en moi, dans mon subconscient. C’est le sujet du film et d’ailleurs une thérapie ne résout pas les problèmes, c’est plutôt le processus qui compte. Avant le tournage et la réalisation du projet, je me suis posé la question : « pourquoi une thérapie sous forme de film ? ». S’agissait-il de faire un film pour faire une thérapie ou bien de faire une thérapie pour réaliser un film ? Je suis un cinéaste et faire un film fait partie de mon humanité. Je ne cesse jamais d’être cinéaste ; je pense et je vis comme un réalisateur. Ce mélange de motivations m’a poussé à monter ce projet et, dès notre première rencontre, j’en ai parlé au thérapeute puisque, lui aussi, fait partie du film.

C’est un film sur l’inconscient et cela a été une expérience extraordinaire, tout d’abord parce que j’y ai consacré vingt semaines, sans travailler sur aucune autre production. À ma proposition, le médecin a posé une seule condition : ne pas visionner les rushes avant la fin du tournage, c’est-à-dire avant de clore les vingt séances de thérapie. Exigence logique, car mon regard de réalisateur aurait primé et l’expérience aurait été différente et sans doute faussée alors que durant la thérapie, mes réactions étaient naturelles et évoluaient au fur et à mesure des séances. La difficulté venait surtout de devoir accepter d’abandonner le contrôle du film et son déroulement, de lâcher prise sur ce que je ne pouvais prévoir et, par là, ignorer la scène suivante. Ce projet était risqué, mais sans limites. Le film, d’une certaine manière, parle de liberté.

Je n’ai pas fait d’école de cinéma, je suis allé en prison et, à ma sortie, je n’étais pas autorisé à voyager. J’ai appris le cinéma de la vie. Pour ce qui est les échanges avec mes amis et ma famille, je voulais qu’il y ait de l’espace pour les autres et éviter les clichés à propos de la Palestine. J’ai suivi en parallèle l’évolution de la thérapie et la situation extérieure. Mon neveu, qui vit au Etats-Unis, est venu en visite à cette époque, il est dans le film, d’autant qu’il me ressemble lorsque j’avais son âge, 18 ans. Un autre participant, Bassem, était en prison avec moi et son histoire figure aussi dans le film. Omar, l’électricien, travaillait chez moi au moment du film. Beaucoup de scènes, de rencontres n’étaient pas prévues. Ces vingt semaines représentent ma relation avec la réalité, les événements, la thérapie et leurs interférences. Et bien sûr, ma famille fait partie de l’expérience, d’ailleurs en thérapie, on aborde toujours le sujet de la famille. De cette expérience, j’ai appris à faire confiance et à partager.

Durant le tournage et ces vingt semaines, je doutais d’avoir suffisamment de matériel pour un film, mais lorsque j’ai visionné les rushes, j’ai compris que la réalité peut donner de quoi faire un film.

La rencontre avec Raed Andoni s’est faite en deux temps, une première fois après la projection de son film en avant première, le 25 octobre, la seconde le 26 octobre. Présentation, transcription et notes de CP.


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