Chroniques rebelles
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Samedi 1er septembre 2012
Tue ton patron en BD (Efix/Levaray) / Tue ton patron 2 (Jean-Pierre Levaray) / C’est quoi ce travail ? (Jean-Pierre Levaray)
Éditions Fetjaine / Libertalia / Chant d’orties
Article mis en ligne le 3 septembre 2012

par CP

Tue ton patron en BD (Efix/Levaray)

Tue ton patron 2 en roman (Jean-Pierre Levaray)

C’est quoi ce travail ? en roman jeunesse (Jean-Pierre Levaray)

Trois éditeurs : Fetjaine / Libertalia et Chant d’orties

Et deux auteurs dans les Chroniques :

Jean-Pierre Levaray et Efix

Belle rentrée ! Sur fond de chasse aux Roms et de charrettes de licenciements.
La gauche est passée… Ah bon, il y a du changement ? Dans les paroles sans doute et les mesures symboliques sont au rendez-vous, mais dans les faits et les actes, on se le demande…

Des exemples ? Les promesses des socialistes, avant les élections, faites aux salariées de RFI, jusqu’à maintenant sont sans effet. La fusion de Radio France Internationale et de France 24 ne doit pas se faire — c’est le discours —, mais on parle de deux médias… côte à côte ! « On joue sur les mots », rétorquent les salarié-es de RFI. Et voilà le soi-disant « dialogue social » en panne.

Autre exemple, insupportable, la chasse aux Roms reprend avec le démantèlement des lieux de campement sans qu’aucune alternative décente ne soit proposée, sinon quelques jours en hôtel de fortune… Et après ? On verra ! Le gouvernement de « gauche » se surpasse : « Vous avez aimé Claude Guéant, vous allez adorer Manuel Valls ! » On expulse à tour de bras des familles sans prévoir où elles peuvent aller… Près des poubelles… Et sans eau !

Allez, à dégager manu militari ! « C’est la loi »… Et les
associations tombent de haut. Mais, au fait, les Roms sont européens et européennes, non ? Alors la libre circulation en Europe, c’est un droit ou un leurre ? Libre circulation, jolie formule, mais elle concerne seulement le fric et les flics.

Quant à légaliser les sans papier-es, beaucoup d’attente, avec quelques coups de pub et effets de manche. Vous allez voir que l’on va nous refaire le coup de « on ne peut pas recevoir toute la misère du monde ! » Ouais, mais cela ne dérange pas de profiter des matières premières de pays «  en voie de développement », ex-colonisés, d’où provient justement cette misère du monde dont nos gouvernements, de gauche et de droite, sont en partie responsables.

Alors, quand nous arrive des histoires, en romans et en BD, comme celles dont nous allons parler aujourd’hui, des histoires de révolte, individuelle ou non, de solidarité, des histoires qui donnent la parole aux sans voix, aux invisibles, aux abonnés absents, à ceux et celles qui refusent de se résigner, d’un coup, ça fait plaisir. Et dans cet horizon morose et décevant, cela donne des idées et on jubile.

Tue ton patron. Tout un programme !

« En haut de cette tour, du haut de mon mirador, j’observe et je réfléchis à comment faire. Je suis le ver dans le fruit. Patrons, décideurs, entrepreneurs, boss, crapules, tremblez, je vais faire un exemple… »

Tue ton patron, la BD. Efix dessine, se fond dans l’univers de Jean-Pierre Levaray, de l’usine et aussi dans celui du centre quasi virtuel de ce pouvoir économique honni. Perspectives inquiétantes et noir et blanc contrasté. Les tours de la Défense, quel nom ! Et quel décor ! Quartier des courants d’air ou l’hypocrisie le dispute à l’allégeance. Tout y est glauque, les sourires courtisans et les uniformes, accoutrements obligés pour travailler dans les arcanes d’un pouvoir économique du style « Perds ta vie à la gagner ».

Autre histoire, c’est celle d’Annabelle, une gamine de 10 ans. C’est elle la narratrice du roman. J’aime bien quand Jean-Pierre Levaray se pose des questions de môme. C’est quoi ce travail ? Annabelle se pose beaucoup de questions sur le travail de son père à l’usine. D’autant plus qu’il en parle très peu. Et cette usine, elle la voit de la fenêtre de sa chambre. Elle lui semble gigantesque, comme une armada de navires. Attirante et repoussante à la fois. Attirante la nuit, comme un décor fantastique, chamarré et mystérieux.
Repoussante à cause des odeurs désagréables. Dangereuse aussi à cause des accidents.

« Mon père ne parle jamais de son travail. Il ne parle pas beaucoup en général. Je ne sais pas ce qu’il fait dans l’usine. Doit-il escalader tous ces tubes et tuyaux ? Toutes ces poutrelles ? Est-ce qu’il verse l’essence fabriquée dans des jerricans, dans des fûts ou dans des camions aux énormes citernes ? Doit-il aller d’un bout de l’usine à l’autre, à pied, en vélo ou en voiture ? Doit-il porter une combinaison comme les cosmonautes ? Est-ce qu’il fait froid ? Est-ce qu’il fait chaud là où il travaille ? Est-ce qu’il manipule des ordinateurs comme des Playstations ? Est-ce qu’il doit rentrer dans les grosses turbines que j’entends ronronner ? Enfin des tas de questions. »

C’est quoi ce travail ? Et l’on pense au livre d’images de Cardon sur les compteurs à air, la Véridique histoire des compteurs à air. Même ambiance.

Enfin, de l’acte individuel mis en scène par Efix dans la BD, Tue ton patron, on passe à l’acte collectif… C’est drôlement bien foutu et imaginé !

Tue ton patron 2 : « On a tous rêvé, un jour, une nuit, de se débarrasser
de son patron. Mais ce n’est pas si facile. Alors, si on s’y mettait tous
ensemble ?
 » Vous voyez ça d’ici : une usine fabriquant des composants électroniques pour le secteur automobile et le patron qui décide de fermer
la boîte. Pas assez rentable, on connaît la logique qui précède ce genre d’opérations, par ailleurs souvent juteuses en matière de rentabilité, mais pas pour ceux et celles qui y travaillent. Et là, tout se décide très vite, collectivement, en assemblée : pas question de se laisser faire !
On liquide le boss, c’est un début et on rêve d’autogestion.

« Tu crois que ce serait possible, un monde sans patron ? » se demande un des collègues de l’atelier. Certainement. Dans tous les cas, ça fait vraiment rêver !