Chroniques rebelles
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Samedi 7 septembre 2013
Réfractions, n° 30, De l’État et Sang contaminé : l’autre scandale
Documentaire de Marie-Ange Poyet
Article mis en ligne le 7 septembre 2013
dernière modification le 20 janvier 2014

par CP

« L’anarchie » et « l’État » sont deux réalités radicalement antinomiques et absolument incompatibles. De Bakounine à Malatesta, pour ne mentionner que des classiques, l’histoire de la pensée anarchiste foisonne d’analyses qui scrutent la nature profonde de l’État, et elle est riche en discours qui argumentent solidement les multiples raisons de son rejet. De même, les diverses pratiques déployées collectivement par lemouvement anarchiste, tout comme par les individus qui le composent, montrent à l’évidence que les anarchistes sont incurablement « réfractaires à l’État » et comptent parmi ses ennemis les plus irréductibles.

Il ne s’agit donc pas dans ce dossier de revenir sur ce que nous considérons comme un acquis pour en répéter les formules ou pour les exprimer autrement, mais plutôt d’essayer de jeter un regard actuel sur l’État qui soit en même temps un regard sur l’actualité de l’État. En d’autres termes, il s’agit de nous interroger à la lueur des connaissances d’aujourd’hui sur les caractéristiques de l’État, et donc sur lesmodalités du pouvoir politique institué, telles qu’elles se manifestent à notre époque.

Il est admis que l’État moderne, en tant que forme historiquement construite d’organisation politique de la société et en tant qu’instance d’exercice du pouvoir, a pris son essor en Europe il y a quelque cinq siècles. Compte tenu du rythme des changements sociaux en Occident, cela représente un laps de temps suffisamment étendu pour qu’il soit tout à fait raisonnable d’affirmer que l’État a connu des transformations significatives au cours de cette période.

Ces changements n’ont sans doute pas altéré les caractéristiques fondamentales de l’État en tant qu’institution qui se trouve investie du droit exclusif à l’usage légitime de la force, ou en tant qu’institution imaginaire qui porte inscrite en son sein l’exigence de soumission. et qui en promeut le caractère volontaire, Mais ces changements représentent des « métamorphoses » de l’État qui adopte de nouvelles formes de fonctionnement, qui se coule dans des structures différentes, et qui produit d’autres effets de pouvoir.

Aux côtés d’une réflexion indispensable sur la lente genèse du phénomène étatique, sur les diverses représentations qui se sont constituées à son sujet, et sur l’autonomie conçue comme son antithèse radicale, c’est donc « l’état de l’État » aujourd’hui que nous avons voulu tenter de cerner et de comprendre au moins partiellement. Cela répond au souci légitime d’atteindre un meilleur entendement de ce que représente actuellement l’État, mais aussi à l’attente qu’il puisse en surgir d’éventuelles indications pour orienter la lutte contre la domination et en faveur de l’autonomie politique. Ce plan de travail nous a incités à repenser par exemple la question de la raison d’État et de la souveraineté dans leur rapport à l’état d’exception, ou à revoir les liens étroits tissés entre l’État et la guerre ainsi que la diversité des positions prises par les anarchistes dans les situations d’affrontement armé, ou encore à réfléchir sur les caractéristiques du nouvel État techno-managérial tel qu’il est en train de se constituer.

Réfractions [1]

L’État, l’idée d’État… Ça évoque quoi pour vous aujourd’hui ? Pêle mêle : autorité, contrôle, institutions, politique politicienne, pensée unique, police, répression, frontières, censure, propagande, impôts et taxes, interdictions, devoirs, règles,etc., mais surtout justice à deux vitesses et surveillance à la Big Brother

Ce mot évoque-t-il une organisation et des institutions pour la défense des droits, de la justice et de l’égalité ? Rarement, sinon jamais, il faut bien le dire.

J’en vois qui lorgnent avec ironie sur le fronton des édifices publics de l’État où s’inscrit la fameuse formule : Liberté Égalité Fraternité. Au passage, faut-il rappeler que « fraternité », au masculin, fait passer à la trappe, ou pour mineure, la moitié de la population, et qu’une femme, Olympe de Gouges, qui avait proposé aux révolutionnaires de l’époque d’inscrire au programme les droits de la femme et de la citoyenne, a été décapitée en 1793. Trop révolutionnaire sans doute vis-à-vis de la domination patriarcale.

Sur l’État donc, beaucoup de suspicion et de questions, en tout premier lieu sur la nature même de l’État. C’est pourquoi, la revue de recherches et de réflexions anarchistes, Réfractions, avec ce titre, De l’État, dédiée à cette question, est particulièrement intéressante et nécessaire, histoire de remonter aux sources de l’État et d’en constater les dérives et les évolutions, au prisme des idées libertaires.

Nous parlerons aujourd’hui de deux articles figurant dans ce numéro, « Les deux représentations de l’État » et « De l’autonomie », avec son auteur, Eduardo Colombo. Mais nous aborderons d’abord bien évidemment le sommaire du numéro pour en cerner la richesse, avec Monique Rouillé-Boireau, auteure de l’article « Le néolibéralisme : imaginaire du marché et réalité de l’État / Imaginaire de l’État et réalité du marché ».

Dans les chroniques rebelles, nous avons parlé cette année de la notion de gouvernance avec l’essai d’Alain Deneault, Gouvernance. Le management totalitaire, et également de démocratie, avec l’ouvrage de Francis Dupuis-Déri, Démocratie. Histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France, les deux livres sont publiés chez Lux. Il nous a donc semblé tout naturel de revenir sur la notion d’État avec la parution de Réfractions, De l’État, pour, comme l’écrit la commission qui a coordonné ce numéro, « jeter un regard actuel sur l’État qui soit en même temps un regard sur l’actualité de l’État. En d’autres termes, il s’agit de nous interroger à la lueur des connaissances d’aujourd’hui sur les caractéristiques de l’État, et donc sur les modalités du pouvoir politique institué, telles qu’elles se manifestent à notre époque. »

Rappelons encore tout de même que : « L’anarchie » et « l’État » sont deux réalités radicalement antinomiques et absolument incompatibles.

Avec Eduardo Colombo et Monique Rouillé-Boireau.

Sang contaminé : l’autre scandale

Film documentaire de Marie-Ange Poyet

Diffusé sur Canal+ le 30 septembre à 22h40

L’affaire du sang contaminé est l’un des plus grands scandales sanitaires du XXe siècle, dont les conséquences n’ont pas fini de toucher des centaines de victimes, de familles qui ne peuvent que constater qu’« Il n’y a pas un désir farouche de rendre la justice ».

Le silence de la justice, des États, le déni cynique des responsables et des politiques, qui ont déclaré en 1991 « Nous avons pris des décisions qui nous paraissent justes », le fameux « responsable, mais pas coupable » qui ne peut que soulever l’indignation et les sarcasmes, montrent à quel point dans une telle situation d’urgence, la vie des personnes compte pour peu de choses face au profit immense à réaliser. Le sang contaminé a été écoulé jusqu’à la dernière goutte… à l’étranger, en majorité dans les pays du Sud.

Après l’obligation, en France, de tester le sang utilisé pour les transfusions, l’institut Mérieux — leader mondial des vaccins à l’époque — va donc exporter des poches de sang contaminé, non chauffé et non testé à destination de l’Irak, mais d’aussi sans doute une dizaine autres pays. Fin 1984, le laboratoire n’a d’ailleurs qu’une seule inquiétude, exprimée par les commerciaux du laboratoire Mérieux : le risque commercial !

En Irak, en Tunisie, en Libye, en Grèce, au Portugal, en Argentine, entre autres pays, le « déstockage » des lots mortels, interdits en France, signifie en toute connaissance de cause la mort, et aussi la lente agonie dans des conditions épouvantables. Les premières victimes qui ne peuvent échapper à la contamination sont les hémophiles, et en majorité des enfants.

Sang contaminé : l’autre scandale . Le film documentaire de Marie-Ange Poyet est une enquête remarquable sur l’historique des faits en écho à des témoignages poignants. Un document essentiel d’investigation, dont la diffusion est programmée sur Canal+ le 30 septembre à 22h40, mais l’on attend évidemment la sortie d’un DVD.

Partant du témoignage de la famille d’Abu Walid Jabar, en Irak, et de la lutte que le père mène depuis la mort de ses cinq enfants, la réalisatrice, Marie-Ange Poyet remonte dans le temps et met en évidence, grâce à des archives et à l’analyse simple, et détaillée de juristes et de médecins, les véritables responsabilités, les complaisances, les dénis, les mensonges, les pressions qui ont permis de perpétrer des crimes, consciemment et sans état d’âme, au nom du profit.

« Le groupe responsable de ces exports représente près de 30 % du marché mondial du vaccin pour un chiffre d’affaires évalué à 3, 808 milliards d’euros en 2010. Il est le seul laboratoire français habilité à exporter des produits sanguins. » L’autorisation accordée par l’État soulève donc bien évidemment la question de la responsabilité de l’État lui-même.

Ni responsable ni coupable !

L’affaire est-elle enterrée ?

Une chose est certaine : « Ils ont écoulé des produits dangereux jusqu’à la dernière goutte, dans un but mercantile. » Cependant, le laboratoire Mérieux — racheté en 2004 par Sanofi Pasteur —, et dont le patron s’occupe à présent d’œuvres caritatives (sans commentaire), le laboratoire Mérieux n’est pas condamné à indemniser les victimes puisqu’un arrêt de la cour d’appel de Lyon stipule : « La demande est recevable, mais mal fondée ».

Aujourd’hui, de nouvelles procédures judiciaires sont engagées par la Tunisie, l’Irak et la Libye pour demander justice.

Alors, ni responsable ni coupable ?

Sang contaminé : l’autre scandale

Film documentaire de Marie-Ange Poyet

Diffusé sur Canal+ le 30 septembre à 22h40

Rencontre avec Marie-Ange Poyet, réalisatrice du film documentaire Sang contaminé : l’autre scandale

à la librairie PUBLICO

145 rue Amelot, 75011 Paris

Samedi 7 septembre 2013, à 16h30



Claudia Monge est l’auteure, la metteuse en scène et l’interprète de Rentrez chez vous et racontez, une création théâtrale inspirée de la situation actuelle dans l’est de la République Démocratique du Congo. Une création qui donne la dimension tragique de ce que vivent les femmes, victimes de viols et de violences abominables dans les zones de combats en République démocratique du Congo. Des violences qui se perpétuent parce qu’elles subissent de surcroît un état de fait : le déni des crimes dont elles sont victimes et l’impunité des tortionnaires. Une pétition est à signer en ligne tout le mois de septembre :

Stop au viol comme arme de guerre

Pour un Tribunal Pénal International pour la République Démocratique du Congo Pétition internationale pour la défense des femmes congolaises.

Pétition en ligne :

https://www.change.org/fr/pétitions/stop-au-viol-comme-arme-de-guerre-pour-un-tribunal-pénal-international-pour-la-république-démocratique-du-congo

Claudia Monge écrit dans sa note d’intention : « Chacun des témoignages que j’ai lu et entendu jusqu’ici m’a laissée sans voix. Ces femmes, qui ont vécu l’indicible, sont pour certaines parvenues à le raconter. D’autres n’ont pas réussi à mettre des mots sur ces actes qui les ont détruites à jamais. Quoi qu’il en soit, elles les ont sentis, éprouvés, vécus dans leur chair. […]
Plutôt que de dire pour elles, [j’ai fait] le choix de dire ce que j’ai ressenti à travers elles et de le mettre en mots dans la bouche de mes deux personnages, “Elle” et “Lui”. »

5 octobre 2013 de 12 h à 18h

Journée dédiée aux femmes violées de la RDC

Salle de spectacle Jean Dame

17 rue Léopold Bellan 75002 PARIS

Mairie du 2e arrondissement

AU PROGRAMME

1-EXPOSITION DES PHOTOS DES FEMMES VIOLÉES DE LA RDC (Marie Ponchelet), l’illustrateur et caricaturiste congolais (Serge Diantantu) et les tags (Andrée Michel) sur la guerre.

2-EXTRAITS DES REPORTAGES DE PATRICIA COSTE EN RDC (Patricia Coste)

3-PRÉSENTATION DU PROJET DE MONUMENT DÉDIÉ À TOUTES LES FEMMES VIOLÉES DES GUERRES (Sylvie Rieder)

4-DIALOGUE DES MARRAINES AVEC LA SALLE

5-REPRÉSENTATIONS THÉÂTRALES :

— Lumumba l’incompris, Hervé Kashama

—  Rentrez chez vous et racontez, Claudia Monge



Changement de programme : Une rencontre avec Jean-Pierre Garnier était initialement prévue, mais étant à Marseille pour soutenir les associations et les comités d’habitants en lutte contre la politique de « rénovation urbaine » visant à améliorer l’image de la ville en expulsant des familles indésirables, il n’était pas en mesure de faire la présentation de son bouquin, La deuxième droite. À reprogrammer.

La deuxième droite

Jean-Pierre Garnier et Louis Janover (Agone)

Le retour au pouvoir du PS avec François Hollande donne à cette analyse contemporaine du premier septennat de François Mitterrand une nouvelle actualité et une double fonction, celle d’un exercice de mémoire et d’une mise en garde pour l’avenir : en surpassant l’injonction faite à la social-démocratie par l’un de ses grands théoriciens — « En finir avec la phraséologie du passé pour oser paraître ce qu’elle est : un parti réformiste ».

En requalifiant le parti socialiste de « deuxième droite », ce livre montre comment, dès le milieu des 1980, les socialistes ont accompli leur destin de parti réformateur en même temps que le programme de la première droite : adapter la société française au nouveau stade du capitalisme.

Le bilan de liquidation du socialisme par ceux-là mêmes qui s’en réclamaient est globalement positif : restauration du taux de profit, réhabilitation de l’entreprise, épousailles de la « France qui pense » et de la « France qui gagne »... de l’argent, fin du divorce Nation-Police-Armée, neutralisation des syndicats, marginalisation du PC, vassalisation de l’intelligentsia, consensus autour du nucléaire, consolidation de la présence française en Afrique… Est-ce à dire que tout clivage, toute opposition politique a disparu dans ce pays ? Aucunement. La ligne de partage passe désormais entre deux types de conservatisme, l’un obtus, l’autre éclairé, l’un frileux, l’autre fringant, l’un tourné vers le passé, l’autre ouvert vers l’avenir.

Bref : l’un réactionnaire, l’autre progressiste. Le jeu politique met désormais aux prises deux droites. La première, traditionnelle, cherche à tout garder au risque de tout perdre. L’autre, moderniste, fait en sorte que tout bouge pour que rien ne change.



CQFD

Fait chaud. Normal, c’est l’été. Dans la rue, le Chien rouge, fuyant comme à son habitude la lumière pour l’ombre ne voit pas à l’instant cette femme venant à contre-jour. Profitant de l’hésitation canine, elle lui adresse doucement la parole : « Pouvez-vous me consacrer quelques secondes ? » Le molosse réingurgite, par bienséance, sa langue. « On n’a pas de chef. Et puis aussi, on n’a pas de subvention. » L’animal dresse l’oreille. « Et puis vous savez, c’est pas normal dans une société qu’il n’y ait pas (...)

http://www.cqfd-journal.org/CQFD-no113-juillet-2013



Les écrans de cinéma offrent depuis quelque temps une réflexion sur la classe ouvrière aujourd’hui alors que l’on répète à l’envi que celle-ci fait à présent partie du passé. Le 1er mai est sorti un documentaire remarquable de Manuela Frésil, Entrée du personnel, sur l’aliénation et la brutalité des conditions de travail dans un abattoir industriel. C’est au tour d’une autre réalisatrice, Gabriela Pichler, de brosser un portrait hyper réaliste de la classe ouvrière immigrée en Suède avec son premier long métrage de fiction, dont l’élaboration a duré plus de trois ans. Il est indéniable que si l’on avait encore un reste d’illusions et de fantasmes sur le modèle de société à la suédoise et les droits du travail dans ce pays, le film de Gabriela Pichler, Eat, Sleep, Die, les efface d’un coup.

http://divergences2.divergences.be/spip.php?article410

Cinéma et classe ouvrière : voir le numéro gratuit du Monde Libertaire.