Chroniques rebelles
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Christiane Passevant
Man Without a Cell Phone
Film de Sameh Zoabi
Article mis en ligne le 24 décembre 2014

par CP

Jawdat est un jeune homme insouciant, il vient de terminer ses études avant l’université et pensent sutout à s’amuser, plaisanter avec ses amis, tomber amoureux et passer des heures à discuter sur son portable. Cela pourrait être une enième comédie mettant en scène des jeunes, leurs déboires amoureux et leurs échecs divers et autres désillusions, mais le contexte social dans lequel vit notre jeune héros est particulier. Jawdat vit dans la région de Nazareth en Israël et est Palestinien israélien, c’est-à-dire Palestinien de 1948, sa famille n’ayant pas été forcé à l’exil au moment de la création de l’État d’Israël. Ce qui lui donne un statut à part dans ce pays.

Notre Candide a d’ailleurs quelques difficulté avec l’hébreu, langue officielle du pays et absolument nécessaire pour poursuivre ses études à l’université. Et visiblement il risque d’échouer encote une fois à son test dans cette langue. S’ajoute à cela des péripéties amoureuses dont il fait les frais à plusieurs reprises, car ses tentatives de séduire des jeunes filles musulmanes, chrétiennes et juives se soldent par un fiasco en raison de sa maladresse. On l’aura compris, Jawdat manque de maturité et est inconscient quant à la situation sociale et politique qui l’entoure.

Les choses se compliquent encore lorsque son père, cultivateur d’olives, lui demande de l’aider dans sa lutte contre une antenne installée par la compagnie israélienne de téléphone en bordure de son champ. Il est m-convaincu que l’antenne a des répercussions négatives sur la récolte des olives et qu’elle peut mettre en danger la santé des villageois.

Pour son premier long métrage, Sameh Zoabi a choisi de traiter la situation sur le ton de la comédie sociale et il est vrai qu’il y réussit avec brio. L’humour du film joue à la fois sur la dérision et la critique d’une situation à deux vitesses pour les citoyen-nes d’un même pays. Dans Man Without a Cell Phone, Zoabi ne se prive pas d’aborder la situation en cul de sac des 20 % de la population palestinienne israélienne et l’incertitude du futur. Mais il le fait tout en utilisant les malentendus entre générations, les quiproquos entre communautés, les différences entre classes sociales comme autant de ressorts comiques pour s’amuser des idées reçues et des clichés. Bref, tout le monde en prend pour son grade et à tous les niveaux. Et Jawdat, volontariste, gaffeur et maladroit est vraiment sympathique et entouré par un casting naturel et haut en couleur.

Le 32e Festival international du cinéma méditerranéen nous faisait découvrir en 2010 le film du cinéaste palestinien Raed Andoni, Fix Me — petite merveille d’humour —, et le 33e nous présente une comédie satirique qui se veut grand public, mais n’en est pas moins acerbe et fine. Comme le dit son réalisateur, Sameh Zoabi, « l’équilibre est complexe à tenir, entre le ton de la comédie et l’évocation de problèmes sociaux et politiques. C’est ma première expérience et j’espère encore améliorer cette formule : faire du cinéma grand public avec du contenu. »

Christiane Passevant : Votre film, Man Without a Cell Phone [1], traite d’un aspect de la situation des Palestiniens de 1948 en Israël dans une comédie. En tant que Palestinien israélien, vous auriez pu l’aborder sous une forme plus grave, voire dramatique, qui soit plus proche du contexte social et politique. Pourquoi ce choix de la comédie ?

Sameh Zoabi [2] : J’ai fait une partie de mes études supérieures à l’université de Tel-Aviv, puis j’ai poursuivi des études cinématographiques
à New York, à l’université de Columbia. J’ai commencé à écrire des
scripts là-bas et quand je rencontrai des gens, souvent on me demandait d’où je venais, je répondais d’Israël et cela déclenchait des commentaires
du genre « ma famille est juive et vit à Tel-Aviv ou Netanya ». Mais lorsque j’ajoutai que je n’étais pas juif, j’ai constaté que la grande majorité ignorait que 20 % de la population israélienne était d’origine palestinienne, ceux et celles qui étaient restés sur leur terre en 1948. Je pense que cela m’a donné l’envie d’écrire sur cette réalité et j’ai choisi ma ville comme décor pour le faire.

Pourquoi une comédie ? Parce que cela fait partie de notre culture. La vie réelle est certes difficile, avec de nombreux enjeux politiques et sociaux, mais la population cherche toujours à la regarder avec humour. C’est un moyen de survivre. J’ai voulu capter et retranscrire cette essence culturelle dans un film. J’ai choisi une période intéressante et très particulière pour le personnage, celle de la fin de ses études secondaires, avant l’université. Il faut préciser que nous, Palestiniens israéliens, vivons surtout dans nos villages en Israël, nous parlons arabe, nous étudions en arabe et c’est seulement après les études secondaires que nous nous ouvrons au reste de la société israélienne, de la société juive. Et c’est à ce moment que nous sommes à même de comprendre plus profondément la situation, que nous confrontons des problèmes, par exemple la langue, l’hébreu. Toutes nos études se sont faites en arabe et soudain nous devons suivre des études universitaires en hébreu. Ce n’est pas facile et il faut s’adapter. J’ai pensé que c’était une bonne période, complexe et pleine de sens, pour une comédie.

Slimane Aït Sidoum (El Watan) : Je voudrais revenir sur ce problème des langues. Vous vivez en Israël et l’hébreu est la langue officielle, alors pourquoi la première partie des études se fait-elle en arabe ?

Sameh Zoabi : Nous étudions l’hébreu comme seconde langue, mais sans la pratique de la langue, il n’y a pas d’interaction sociale. Nous étudions la langue, mais nous ne pratiquons réellement pas l’hébreu. Cela commence en primaire avec un professeur palestinien et je me demande si l’on apprend beaucoup de cette manière. En fait, l’interaction avec le reste de la société israélienne se fait plus tard, après les études secondaires, en particulier aujourd’hui. Il existe une certaine distance actuellement, une séparation entre les deux communautés, presque une ségrégation. Si vous ne travaillez pas dans un environnement juif, vous ne fréquentez plus cet autre monde. Les jeunes ne vont plus dans les boîtes ou les clubs parce ce qu’ils comprennent la situation, comme dans le film. Une fois cette prise de conscience, ils créent une vie sociale dans leur propre village, comme le café dans le film.

Le film s’inspire pour beaucoup de mes souvenirs. Mais la situation a certainement encore empiré. Ma génération vivait en encore l’âge d’or. (rire)

Christiane Passevant : Lors de la présentation de votre film, vous avez dit qu’au sein de votre famille, l’humour était plutôt sarcastique. Lorsque vous faîtes à l’un des personnages que l’amour n’a pas de frontières, que tout est possible, enfin ce genre de discours, est-ce une forme d’ironie ? Parce que si l’on se réfère à la situation dans la région, il vous est par exemple impossible de construire une relation avec une jeune femme vivant à Ramallah ou dans les territoires palestiniens occupés.

Sameh Zoabi : L’amour sans frontières, c’est ce qui motive Jawdat, le personnage principal, au début du film. C’est sa manière de voir le monde et il ne peut ni ne veut voir les choses autrement. Il refuse, comme beaucoup, de voir les limites. L’ironie à mes yeux se situe dans sa naïveté et son refus de confronter la réalité. Lorsqu’il dit être proche de Jenine et de Ramallah, il veut y croire. Dans le film, je voulais dire que les gens ne naissent pas pessimistes et que naturellement ils ne pensent pas aux limites. Ils sont amenés et forcés à confronter cette réalité. Face à une réalité difficile, ils se trouvent obligés d’accepter les limites. Mais l’important, c’est de gérer ces limites.

Jérémi Bernède : Le téléphone portable est symbolique de ce que croit le personnage puisque, grâce à lui, les frontières n’existent plus. L’antenne est au cœur des préoccupations.

Sameh Zoabi : C’est ce qu’il croit jusqu’à ce qu’il réalise que même cette possibilité de communication au-delà des frontières a ses limites. L’antenne est le symbole du rapport entre Palestiniens et Israéliens. Elle devient pour la population l’expression soit de la colère contre l’oppression, ou contre l’occupation, soit un sentiment de malentendu, soit encore d’être une population de seconde classe et laissée pour compte. En tant que réalisateur, je n’ai pas imposé cette image, cela fait partie de la vie. J’ai en fait donné un espace pour exprimer ce sentiment. Du point de vue du ressort dramatique, l’antenne réunit deux générations de Palestinien-nes. Salem qui fait partie de la vieille école, il a connu 1948, 1967, les guerres et toutes les frustrations de cette génération. Jawdat qui représente la nouvelle génération voulant vivre dans un contexte universel. C’est une nouvelle approche.

J’ai voulu montrer que ces deux générations, totalement différentes dans leurs démarches, échouent toutes les deux. Salem, le père, est un homme de principes, mais il est incapable de changer les choses. Il est bloqué. Quant à son fils, Jawdat — la nouvelle génération —, s’il fait des tentatives pour échapper à là prostration, elles sont vouées à l’échec. La scène tournée dans la voiture entre le père est le fils, au moment du retour, est représentative de ce sentiment commun d’échec. D’un côté, le père est bloqué et de l’autre, le fils n’arrive pas à avancer. Tous deux sont alors dans un état de frustration et d’ignorance de ce qui va ensuite se passer.

C’est seulement lorsque ces deux générations pourront se comprendre — quand Jaoudat sera conscient de ses racines et que son père acceptera les nouvelles voies — que notre société pourra progresser. C’est un enjeu important et cet aspect est essentiel pour mes obligations sociales vis-à-vis de ma communauté. Je ressens fortement le manque de connexion entre ces deux générations.

En tant que réalisateur, mon but n’est pas seulement de dire « la vie est difficile et c’est ainsi », mais plutôt d’offrir une nouvelle manière de regarder la réalité. Pour moi, le constat du fossé entre ces deux générations ne peut s’en tenir au simple constat, il faut aller de l’avant et trouver des moyens de rassembler ces générations. Le fossé se creuse encore aujourd’hui entre les générations à cause de la technologie. Les parents ne savent pas toujours comment utiliser un ordinateur, ne sont pas familiers avec Facebook alors que les enfants sont parfaitement à l’aise avec cette technologie. Cela crée des séparations et les générations avancent en parallèle et non pas ensemble.

Christiane Passevant : Dans votre film, Man Without a Cell Phone, les femmes ont l’air de mieux s’en tirer côté technologie. Elles utilisent le téléphone portable et paraissent plus à l’aise avec la technologie. Pensez-vous que les femmes ont plus de facilité à s’adapter ?

Sameh Zoabi : Oui, je pense que les femmes sont plus proches de la réalité quotidienne, de la maison. Elles sont plus pragmatiques, plus réactives et plus réceptives à leurs enfants. Dans le film, je voulais montrer encore plus de femmes avec leurs portables, parce que cela renforce l’aspect comique de la situation. Cela me rappelle une anecdote personnelle à propos de voisins venus boire le café chez nous. Lorsque nous avons soudain perçu le vibreur d’un portable, quelle ne fut pas ma surprise de voir la femme extirper son téléphone de sa poitrine !

Jérémi Bernède : Tous les personnages sont superbes et c’est une jolie comédie.

Sameh Zoabi : Tous les pays aiment les comédies romantiques. Le temps est peut-être venu pour nous de les apprécier aussi. Mon prochain film est d’ailleurs également une comédie, mais plus folle.

—  : Le code de la comédie dans le cinéma israélien et palestinien-israélien, utilisé dans le cinéma d’Elia Suleiman ou d’Avi Mograby, est-il proche de votre démarche ? Y voyez-vous une filiation avec votre travail de cinéaste ? Enfin le cinéma militant existe-t-il encore ?

Sameh Zoabi : Je suis essentiellement inspiré par le cinéma italien
des années 1950, 1960 et du début des années 1970. Si l’on veut parler d’inspiration, c’est là qu’elle se situe. Quand je regarde un film de cette époque qui se passe dans une petite ville, je pense toujours à ma ville.
La force de la plupart de ces films reposait sur les personnages, les visages, les lieux… Et c’est également important pour moi. Les visages doivent refléter des personnes de la vie réelle. 80 % des acteurs et actrices de Man Without a Cell Phone ne sont pas professionnel-es. Le père n’est pas un comédien, Jaoudat est joué par un jeune comédien dont c’est le premier rôle. Les rôles sont, pour la plupart, tenus par des non-professionnel-les. Ma mère, ma tante, ma sœur jouent dans le film… (rire) Mon frère tient le rôle de l’officier israélien, son accent en hébreu est parfait — il a toujours eu un défaut de prononciation en arabe et ne peut prononcer le «  r » qui roule.

Je ne pense pas que le cinéma militant soit terminé, mais sans doute doit-il se réinventer en permanence. Il existait auparavant une attente du public pour les films politiques, mais la demande est fluctuante… C’est une question de marché et cela dépend du public, des critiques, des promoteurs, des producteurs, mais pas des réalisateurs et des réalisatrices. Quant au cinéma, il est toujours politique.

Durant mes études aux États-Unis, j’ai travaillé aussi sur des films publicitaires. J’aime cette combinaison qui est de pouvoir raconter des histoires, intéresser le public, le divertir, pas nécessairement par me biais de la comédie. Cela est possible aussi avec le drame, d’une autre manière. Je n’oublie pas pour autant le contenu et une certaine profondeur du discours cinématographique. J’aime divertir avec un film apparemment léger, mais qui ne l’est pas forcément, et qui apporte une réflexion. Man Without a Cell Phone est mon premier film de fiction, et c’est cette alchimie que j’aimerais véritablement développer dans mes prochains films. L’équilibre est complexe à tenir, entre le ton de la comédie et l’évocation de problèmes sociaux et politiques. C’est ma première expérience et j’espère encore l’améliorer : faire du cinéma grand public avec du contenu.

Christiane Passevant : Lors de la présentation au public de Man Without a Cell Phone, vous avez parlé de scènes qui avaient été coupées au montage pour des raisons de rythme à tenir. Mais outre cette question de rythme, avez-vous subi des pressions de la part de la censure ou bien vous êtes-vous simplement autocensuré ?

Sameh Zoabi : Je n’ai subi aucune censure. Nous avons changé de monteur en cours de montage et il n’a pas été simple conserver le rythme du film, tout en conservant le caractère de la comédie. En fait, en y réfléchissant, je ne me souviens que d’une scène coupée au montage…

Christiane Passevant : Laquelle ?

Sameh Zoabi : Celle du café, du dépôt de bières qui était plus longue et dans laquelle le patron expliquait sa démarche. Cette scène qui dure peut-être deux minutes n’était pas vraiment nécessaire, car on pouvait saisir le personnage sans cette explication. En fait, j’ai supprimé des scènes avant même de commencer le film. Deux mois avant le début du tournage, il a fallu se rendre à l’évidence : il était impossible de tourner toutes les scènes prévues. Le budget serait dépassé. Cela a été très dur de procéder à des coupures dans le scénario et le découpage du film pour des raisons budgétaires. C’était terrible, car j’ai dû supprimer des scènes que j’aimais et qui me semblaient peut-être plus drôles que celles du film. Mais l’obligation était de terminer le film en vingt-deux jours et il fallait se résoudre aux coupes… C’est finalement sans doute mieux ainsi, j’aurais fait alors un autre film.

Slimane Aït Sidoum (El Watan) : À propos de discrimination, pouvez-vous revenir sur la scène dans laquelle Jawdat et l’un de ses amis veulent se rendre à une soirée organisée par de jeunes israélien-nes et qu’ils ne sont pas acceptés ? De même, lorsque Jawdat demande en mariage une jeune Palestinienne chrétienne, les parents se montrent extrêmement réticents pour ne pas dire hostiles. Il existe donc de la discrimination entre Israéliens et Palestiniens, mais également entre chrétiens et musulmans à l’intérieur de la société palestinienne. C’est une réalité ?

Sameh Zoabi : La discrimination existe partout. Certaines personnes l’expriment et d’autres pas. Jawdat vit dans ses rêves. Les parents de la jeune fille sont pratiques, ils n’acceptent sans doute pas sa demande parce que Jawdat est musulman, mais aussi parce que sa demande paraît une blague. Il ne parle pas de ses sentiments pour leur fille ni qu’il ferait tout pour elle. La demande ne semble pas sérieuse. C’est cet aspect qui marque cette scène plutôt que la discrimination. Dans ma propre famille, ma grand-mère était chrétienne et mon grand-père musulman, cela peut donc arriver. Néanmoins, dans le film les parents sont certainement préoccupés par le mariage de deux jeunes gens de confession différente et ils anticipent les difficultés possibles. Il s’agit plus d’une question de préoccupation que de discrimination. Le manque de crédibilité du jeune homme, qui semble paumé, provoque aussi le refus des parents.

Christiane Passevant : Pensez-vous qu’actuellement les personnes redoutent plus qu’avant les différences confessionnelles, dans le cas de mariage par exemple ? Les chrétiens et les musulmans vivent ensemble depuis longtemps en Palestine. La situation a-t-elle changé ? Dans ce domaine, quelles sont différences entre la génération de 1948 et celle d’aujourd’hui ?

Sameh Zoabi : Je suis trop jeune pour avoir connu les années 1940 et une situation différente. À Nazareth, chrétiens et musulmans vivent ensemble sans problème. Mais j’ai l’impression que certaines personnes sont à présent plus conservatrices en matière de religion. Comment cela s’exprime-t-il ? Il est très difficile de répondre à cette question de manière générale. Cela dépend surtout des personnes et des comportements. Finalement, on peut trouver ce type de situation partout. Je vis à Brooklyn aujourd’hui et, en quelques pâtés de maisons, on peut rencontrer des personnes de cinq religions différentes. Parfois les gens s’apprécient, parfois non. Cela dépend.

—  : De nombreux cinéastes palestiniens boycottent les financements israéliens. Quelle est votre position sur cette question ?

Sameh Zoabi : Dans mon cas, c’est différent. Je suis Palestinien de nationalité israélienne, je paie mes impôts et je ne me boycotte pas moi-même. La Palestine est actuellement le seul pays occupé au monde. Le boycott culturel est plus compliqué à appliquer que le boycott économique, parce que de nombreux artistes, y compris des artistes israéliens, réalisent des films qui font connaître la situation, qui font prendre conscience de ce qu’implique l’occupation de la Palestine. Avant la projection de mon film à Jérusalem, j’ai reçu une lettre me demandant de participer au boycott et je me suis exprimé par rapport à ma décision. Je suis citoyen israélien et je suis cinéaste. Je réalise des films afin de les montrer au public pour lequel je les fais. Pourquoi refuser une projection pour public palestinien, ou d’ailleurs pour public israélien ? Il est nécessaire de trouver un moyen de lutte et de pression qui soit plus efficace et qui permette de changer la situation actuelle. Les pressions sont absolument nécessaires. Le boycott a bien fini par réussir contre l’apartheid en Afrique du Sud. Mais il est vrai que c’est très long.

L’enjeu est très important et très sensible et
je ne voudrais pas que l’on se méprenne sur ma position.
Il existe actuellement un appel pour un boycott économique
et un appel pour un boycott culturel. Je suis convaincu
que ces deux moyens sont valables pour faire pression
et obtenir la fin de l’occupation israélienne. On en parle
énormément et cela augmente son efficacité. Le boycott
culturel crée de véritables débats dans le milieu artistique
israélien et palestinien israélien. Du coup, l’enjeu de la
Palestine se trouve sur le devant de la scène et cela remet
beaucoup de choses en question. Par exemple, dois-je
montrer ou non mon film à Jérusalem, en tant que
Palestinien israélien ? Ma famille vit en Israël et,
contrairement à moi, il est plus simple pour les
Pink Floyd de refuser de faire un concert en Israël.
Les auteurs de la lettre l’ont très bien compris.

Slimane Aït Sidoum (El Watan) : Votre film sera-t-il distribué dans les pays arabes ?

Sameh Zoabi : Je l’espère, mais j’en doute. Certains pays arabes ont aussi leurs raisons de ne pas montrer les films palestiniens israéliens. Mais cela peut changer avec les nouveaux régimes. J’ai déjà montré mes films au Qatar, à Dubaï, je pense en Jordanie prochainement. Mais ce n’est pas facile.

Christiane Passevant : Les difficultés de la distribution sont connues, de même que la possibilité de montrer les films en dehors de festivals. Mais votre film a-t-il été ou sera-t-il projeté en Palestine ?

Sameh Zoabi : Il a été projeté à Ramallah, à Naplouse et, comme je l’ai déjà dit, à Jérusalem. Sa distribution dans les salles est prévue en 2012. Le public aime le film et les réactions sont jusqu’à présent très positives. Le public apprécie l’humour du film et réagit bien. C’est le même constat auprès du public israélien. Je vais vous raconter une anecdote amusante au sujet du public, le film a été projeté à New York, au MOMA et au Lincoln Center. Au Lincoln Center, 90 % des spectateurs/trices étaient juifs et ont vraiment ri dans la salle. Après la projection, beaucoup sont venus me voir pour me féliciter et me dire combien l’humour du film était proche de l’humour juif. Au MOMA, la majorité du public était arabe et a aussi aimé le film. Beaucoup sont ensuite venus me complimenter pour la manière dont j’avais su capter l’humour palestinien.

Christiane Passevant : L’humour du Moyen Orient…

Sameh Zoabi : L’intérêt est que dans les deux cas, le public parle d’humour. C’est une bonne chose pour un réalisateur de films, c’est le bon outil.

Christiane Passevant : Vous avez parlé d’un prochain film, plus
« déjanté ». Où en est votre projet ?

Sameh Zoabi : L’été dernier, j’ai tourné pour la télévision un drame qui se déroule entre Ramallah et Tel-Aviv. Le film aura pour titre Sous le même soleil et je compte le terminer en avril 2012. Mon projet à plus long terme est de focaliser sur la comédie et je travaille actuellement sur une comédie romantique située à Gaza.


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