Chroniques rebelles
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Samedi 3 avril 1999
D’une guerre à l’autre. Parole sur l’Algérie
Chafia et Zarah
Article mis en ligne le 21 janvier 2008

par CP

Quand les caméras de la télévision serbe filment la rencontre de Milosevic et d’Ibrahim Rugova et que cette même télévision diffuse en boucle le visage des prisonniers états-uniens, les journaux font leurs gros titres sur la propagande de Milosevic. Est-ce une découverte ou une tardive prise de conscience des medias sur la propagande et les exactions du régime serbe ?

Il est intéressant de relire à ce sujet un texte de Muhamedin Kullashi extrait d’un ouvrage intitulé De la faillite des démocraties au processus de paix (L’Harmattan). Cet article, “Silence autour du Kosovo”, date de 1996 et fait un premier constat “Les accords de Dayton n’ont pas mentionné le problème du Kosovo.” Puis, souligne que le but stratégique du régime serbe l’a conduit “à purger massivement toutes les institutions de l’élément « étranger » albanais. À partir de 1990, en quelques mois furent licenciés 90% des Albanais de tous les secteurs de la vie sociale et économique : l’enseignement, la santé, les média, la culture, l’économie. Durant l’année 1991, 450 000 élèves, étudiants et enseignants albanais ont été exclus du système scolaire et brutalement expulsés par la police des bâtiments scolaires. Le même sort fut réservé aux médecins, aux journalistes de la télévision, des radios et des journaux, aux juges et aux chercheurs des diverses institutions, aux dizaines de milliers d’ouvriers dans les mines et dans d’autres secteurs de l’économie.

Trois ans plus tard, après les atermoiements inefficaces d’une diplomatie, peu convaincue du droit à l’autodétermination des Kosovars, des bombardements sont déclenchés par l’OTAN sur des objectifs militaires serbes, histoire de faire céder le gouvernement de Milosevic pour signer les accords de Paris. Milosevic est alors désigné comme le grand Satan, à la manière de Saddam Hussein, alors qu’il a été — comme Saddam Hussein d’ailleurs — l’interlocuteur obligé et privilégié des Occidentaux pour négocier et traiter des problèmes de la région. Ses visées nationalistes ne sont pourtant pas nouvelles, comme le rappelle l’article de Muhamedin Kullashi, ses méthodes et sa propagande non plus.

Les frappes “chirurgicales” nous ont été présentées comme la seule solution au blocage de la situation, mais nous savons — depuis les bombardements de Bagdad, en 1991 — ce que cela veut signifie pour les populations civiles. Les premières conséquences ont évidemment été de renforcer le gouvernement de Milosevic, d’accélérer les exactions vis-à-vis des populations civiles grâce à des milices fanatisées : destructions de maisons, de villages, exécutions, déplacements de personnes…

D’après les journaux, l’indépendance du Kosovo ne serait plus un tabou. Mais de quel Kosovo parle-t-on ? Un Kosovo partagé ? Un Kosovo vidé de la moitié de ses habitants ? Il n’est déjà plus question d’évoquer le droit au retour des personnes chassées de leurs maisons, de leurs villes et qui ont tout perdu et dont, de surcroît, personne ne veut. Bien sûr, on pleure sur le sort des réfugié-e-s, mais de là à les accueillir… il ne faut pas trop demander.

C’est où l’Europe ? C’est quoi la solidarité active sans jérémiades ?
Quand on voit la brutalité avec laquelle sont traités, en France, les sans-papiers et ceux et celles qui les soutiennent (voir Appel : Halte à la banalisation de la répression de Droits devant), il est décidément difficile de croire au grand leurre de l’Europe solidaire dont on chante les louanges !

Gros plan sur le Kosovo, les médias moulinent les mêmes informations, les déclarations de politiciens à côté de la plaque, les appels au secours des humanitaires…

Et pendant ce temps, ce qui se passe au Congo Brazzaville, on l’ignore. La situation est tout aussi dramatique. La périphérie de Brazzaville a été rasée à l’arme lourde, la population enfuie dans les villages…
On l’espère, car il n’y a plus de communications, ni téléphone, ni courrier… silence pour cause de pétrole ? Et l’exemple du Congo-Brazzaville n’est qu’un des exemples de silence complice des politiciens et des medias !

Andrée Michel dans son livre Surarmement, Pouvoirs, Démocratie (L’Harmattan) écrit : "La domination politique des pays du Tiers-Monde sera confortée par la vente d’armes qui aggravent la dette de ces pays, les entraînent dans la spirale de guerres, civiles, inter-ethniques, frontalières ou interétatiques. La ruine de l’économie qui en résulte renforcera leur acceptation des termes injustes de l’échange et par conséquent leur dépendance à l’égard de l’Occident." Et au Congo-Brazzaville, il y a aussi ELF ! Donc, silence ! On massacre des civils mais ça rapporte des sous !

Et l’Algérie ? À part les élections et la violence, qu’en est-il de la situation économique ? Comment vivent les gens au quotidien ? Le SMIC a-t-il été augmenté ? Quelles sont les promesses électorales ?

D’ici, les femmes semblent être les seules à résister. La lutte contre l’intégrisme et le libéralisme ne se fera certainement pas sans les femmes.
Leur lutte — malgré les violences, les intimidations, le code de la famille qui fait d’elles des mineures à vie — montre à quel point la prise de conscience et la mobilisation sont essentielles contre les intégrismes et les manipulations des pouvoirs. Car l’enjeu est au fond toujours le même : écraser les populations pour qu’elles soient soumises et résignées pour servir les intérêts des États et d’une minorité possédante.

Une alternative possible ? Agir ensemble et changer la réalité, c’est un appel de l’AEF, Association pour l’Émancipation de la Femme, et c’est ce dont parlerons aujourd’hui dans les Chroniques rebelles.